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XIXe siècle au XIIIe serait en effet un coup de maître, car rien n’est vrai, s’il n’est vieux ; mais c’est ici que notre opposition commence.

Dans les discussions de ce genre, il ne suffit pas d’une parfaite sincérité ni d’une intelligence générale des questions et des systèmes : sous ces rapports, l’auteur est irréprochable ; mais il faut encore la plus juste mesure dans l’appréciation des doctrines, ne rien surfaire, ne rien atténuer, se défendre des entraînemens de l’argumentation oratoire, combattre le penchant de l’éloquence à donner aux vérités relatives une forme absolue, aux simples considérations une apparence démonstrative, aux expressions modérées une valeur hyperbolique. Par exemple, voulant prouver que la raison philosophique est absurde dans sa méthode, l’auteur, après avoir, selon son bon plaisir, défini cette méthode, nous annonce que saint Thomas l’a écrasée de toute la puissance de son génie, et il analyse les objections de son maître, pour conclure que la raison, procédant par ses seules forces, est aussi insensée qu’arrogante et tombe dans l’impuissance de s’élever à la première vérité, à la connaissance de Dieu.

Sur cela, j’ai plusieurs observations à faire. Je remarque d’abord que c’est une argumentation qu’on nous promet, une argumentation imposante, triomphante, qui nous donnera l’évidence, l’évidence mathématique. Soit ; elle n’en perd pas pour cela son caractère d’argumentation. Donner par le raisonnement une évidence mathématique, c’est, s’il en fut jamais, un procédé de rationalisme. Ceci importe, parce que nous sommes au principe de la science. Assurément, on ne peut exiger que la théologie ne raisonne point : tout le monde sait que la logique y joue un grand rôle, et que, hormis sur ses principes qu’elle emprunte à l’autorité, c’est une science argumentative, comme le disent les scolastiques ; mais nous ne sommes point encore en théologie, nous cherchons la science. Malgré son horreur pour l’inquisition, le père Ventura débute par elle. Comment ferait-il autrement ? Saint Cyrille a très bien dit : « Le principe de la connaissance est l’inquisition. » Le père Ventura cherche donc ; il se demande où est la vérité, sur quels fondemens elle repose, quelle est la méthode qui y conduit. Or comment décide-t-il cette question première ? Par une argumentation. Que place-t-il au début de la science ? Le rationalisme.

Nous ne lui reprochons pas de faire ainsi ; c’est, selon nous, chose inévitable ; nous lui reprochons de ne pas s’en apercevoir. Quant à l’argument dont il se sert, c’est, dit-il, celui de saint Thomas ; mais avant d’être jugé, l’argument doit être bien compris. Nous ne savons s’il le serait de qui ne l’aurait lu que dans son interprète. Nous avouerons que dès le premier moment l’assertion nous a surpris. Ce n’est guère l’usage des scolastiques de se gendarmer contre le