méthode a donné naissance à toutes les hérésies, à toutes les erreurs de la théologie, de la métaphysique, de la morale, de la politique. Ces erreurs, l’auteur les signale jusque dans des doctrines tenues communément pour orthodoxes, par exemple la philosophie de Lyon, et il n’a pas de peine à établir qu’il est à propos de restaurer sur ses véritables fondemens la méthode de la philosophie, methodus philosophandi. C’est l’objet de son livre.
L’ouvrage, quoique digne d’être lu, ne contient rien de bien essentiel en dehors des idées qui viennent d’être résumées. Tout s’y réduit à cette pensée : la philosophie ne peut être la recherche de la vérité, puisque la vérité est connue, ou bien elle suppose l’ignorance, autorise le doute, admet ou réalise l’erreur. C’est la philosophie de démonstration (lisez d’explication, car une philosophie démonstrative serait un rationalisme absolu) substituée à la philosophie d’inquisition. Telle est restée au fond la doctrine du père Ventura ; seulement il la soutient aujourd’hui d’une manière plus exclusive. Ainsi, il y a vingt ans, il admettait encore une théologie naturelle avant la surnaturelle, concession que ses principes lui interdiraient aujourd’hui ; mais s’il est plus absolu en philosophie, il l’est moins en politique. Sous ce rapport du moins, il suit assez exactement saint Thomas. Ayant quelque peu souffert pour certaines opinions que les partis dominans ne pardonnent guère, il s’en venge sur la philosophie, et il espère se réhabiliter en l’attaquant.
Sur le titre de son nouvel ouvrage, on prévoit en effet qu’il compare la raison catholique à la raison philosophique, non pour les concilier, mais pour les opposer, peut-être même pour exclure l’une par l’autre. C’est la vieille distinction entre la raison et la foi, distinction légitime que l’on peut pousser jusqu’à l’antithèse, mais dont on ne doit pas faire un conflit : or, c’est un conflit que le père Ventura semble chercher. La raison, il le reconnaît, est faite pour la vérité ; mais en la poursuivant, elle ne la peut atteindre et ne l’a jamais atteinte. La vérité a été divinement révélée à l’homme après la création par celui qui est la vérité même. Ainsi elle s’est conservée, elle s’est transmise dans l’humanité, et une tradition plus ou moins pure est devenue le fond et l’aliment de toute connaissance, de toute science digne de ce nom. Cette tradition perpétuelle, universelle, a maintenu sur la terre la foi à ces dogmes fondamentaux, Dieu, la loi morale, les peines futures. Telle est la religion éternelle. Aussi n’y a-t-il pas eu, à proprement parler, de polythéisme dans l’antiquité. Lorsque la raison des sages, secouant le joug des superstitions, a prétendu chercher par elle-même la vérité, elle n’a rien trouvé, ou elle n’a trouvé que ce qu’il y avait de vrai dans ces superstitions mêmes ; elle n’a trouvé que la vérité religieuse recouverte, mais conservée