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Danemark, depuis 1850, la source de toute une littérature, comprenant beaucoup d’écrits de polémique, — tels que la série des Fragmens anti-slesvig-holsteinois, publiée par les soins de M. Krieger, et dont la plupart des livres de M. Wegener font partie, — puis des ouvrages de stratégie sur chacune des batailles gagnées ou perdues, des récits anecdotiques, dont quelques-uns sont devenus promptement populaires, comme les Tableaux de guerre, Krigs-Billeder, de M. W. Holst ; enfin des chansons et des poésies, comme la marseillaise danoise intitulée : le Vaillant Fantassin danois (d’en Tappre Landsoldat), et encore le joli poème de M. H.-P. Holst, le Petit Trompette (den Lille Hornblœser). Ce petit ouvrage doit autant sa popularité à l’élégance de son style et au charme de ses descriptions qu’aux circonstances qui l’ont fait naître, et puisque le texte en est danois, sans que des traductions soient venues encore, que nous sachions, le répandre en Angleterre ou en Allemagne, il convient ici de compléter l’analyse par quelques citations. Jean-Pierre s’est engagé pour aller sonner de la trompette contre les Allemands. « Le roi, lui a-t-on dit, lui donnera sa nourriture, 12 skillings, et le galon sur la manche. D’ailleurs le roi a besoin de lui… Je ne te ferai pas honte, petit père. Toi, bonne mère, ne pleure pas. La mauvaise herbe ne meurt pas facilement, et puis je ferai bien attention à moi. — Dès le lendemain, le navire l’Hékla enfle ses voiles pour aller à Slesvig. Il tarde au beau navire d’essayer vraiment ses forces. Il ne s’est encore abandonné qu’en jouant à des périls imaginaires ; il ne connaît pas le déchirement furieux des gros canons tonnans. Il n’a pas tremblé sous la bordée ennemie ; le boulet ennemi n’a pas encore béni sa carcasse pour les combats. Il n’a pas entendu à travers le fracas les cris des mourans, et son blanc tillac n’a pas vu le sang couler dans les flots. Comme la jeune fille qui va pour la première fois à la danse, il est impatient et rejette l’écume à droite et à gauche. — Écoutez ! Du fort un salut d’adieu résonne, et du navire la réponse retentit, pendant qu’on agite les chapeaux. Jean-Pierre, au premier rang, crie hourra pour son père et sa mère, hourra pour son beau vaisseau. Il part ; à travers les larmes, sa mère suit le navire, jusqu’à ce que le haut des mâts disparaisse sous la courbe des flots. — Jean-Pierre a pleuré, lui aussi ; mais le vent sèche ses larmes, et son jeune courage triomphe de son cœur. Pendant qu’il s’élance dans la vie pour y disperser son chagrin, sa mère retourne lentement chez elle, et conserve fidèlement sa douleur. Le chagrin fuit le pied rapide et léger du jeune homme ; mais il alourdit la marche de ceux que la vie a fatigués. Il s’envole loin de celui qui se lance gaiement sur la scène mobile de la vie, tandis qu’il établit sa demeure chez celui qui vit seul et abandonné… » - On aborde au nouveau rivage. Alors commence la vie des camps et des bivouacs… « Pendant qu’un feu clair, qui pétille dans le silence de la nuit, se reflète sur les arbres de la forêt et sur les vedettes placées à l’entour, tout à coup on entend à distance un pas pressé ; c’est un officier qui s’approche. Chacun de secouer le sommeil et de se lever aussitôt. C’est un grand et bel homme, son œil brillant sourit avec majesté et douceur ; mais sur ses lèvres repose une expression de tristesse. Il remplit un des gobelets qui sont encore à terre : — Buvons cette nuit, mes enfans, demain nous nous battrons… - Nous nous battrons demain ?