Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/803

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les lycées. Le projet sur l’agrégation n’est, au reste, que l’application du décret du 10 avril. Quant au règlement sur le régime financier des lycées, il a un double but, celui de combler le déficit permanent qui existe dans le budget de l’instruction publique et d’améliorer la situation matérielle des professeurs. M. le ministre de l’instruction publique se propose d’y arriver sans demander à l’état un supplément de dotation, par l’élévation modérée des rétributions que paient les familles pour l’éducation de leurs enfans. La modicité de ces rétributions produit aujourd’hui un fait singulier : c’est que le nombre des élèves, au lieu d’être un élément de prospérité pour un lycée, est au contraire un élément de ruine. Ainsi les lycées les plus renommés de Paris sont ceux qui ont besoin de la plus forte part dans la subvention de l’état. Une légère élévation de prix doit suffire, dans la pensée de M. le ministre de l’instruction publique, pour combler le déficit de 300,000 fr. qui existe dans le budget de l’enseignement, et pour améliorer la situation des professeurs, en augmentant leur traitement éventuel, qui se compose d’une part proportionnelle dans les rétributions universitaires. À cela on objecte que l’élévation du prix aura pour effet d’éloigner un grand nombre d’élèves et d’altérer le caractère démocratique de l’université ; mais n’est-ce point mêler à cette question une considération qui lui est étrangère ? Le but de l’instruction publique n’est point d’instruire le plus grand nombre, mais d’instruire le mieux possible, dans les conditions les plus efficaces et les plus favorables. Le but de l’état en particulier est de maintenir dans ses lycées un niveau d’enseignement qui les rende toujours préférables pour ceux qui recherchent les études élevées. C’est là la pensée supérieure à réaliser, et dont on ne paierait pas trop cher la réalisation, dût-on être obligé, pour cela, d’améliorer sous une autre forme la situation des professeurs. Il y a dans le nouveau règlement une disposition qui, nous l’avouons, est à nos yeux plus susceptible d’être contestée. D’après le règlement, le traitement affecté au professorat serait alloué à l’ancienneté et au choix sans distinction de grade et de nature d’enseignement, de telle sorte qu’un professeur élémentaire pourrait toucher un traitement supérieur à celui d’un professeur de rhétorique. Il y a là, il nous semble, une innovation assez grave, fondée peut-être sur une erreur qui consiste à attacher exclusivement à l’homme le traitement qui s’attache souvent à la fonction. De quelque manière qu’on juge, et sans déprécier aucun service, il y a évidemment une distinction à faire entre une chaire élémentaire et une chaire de rhétorique ; c’est le même principe qui fait la différence entre les fonctions de substitut et celles de procureur-général. Quoi qu’il en soit, le règlement sur le régime financier des lycées se lie à un ensemble de réformes dignes de toute considération, et auxquelles M. Fortoul consacre une incessante activité.

Toutes ces choses que nous énumérons, les finances en voie de s’améliorer, la colonisation de l’Algérie qui s’élabore, l’instruction publique qui se transforme, ce sont là des intérêts supérieurs et permanens qui sont la meilleure garantie de la paix. Ils ont besoin de l’ordre et du calme au dedans et au dehors. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est qu’au moment même où la paix semble ressortir le plus invinciblement de la situation morale et matérielle