Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/798

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’y a plus de discussion de l’adresse, selon les usages parlementaires d’autrefois. Il est hors du domaine des assemblées de passer en revue dans de solennels et vifs débats tous les points de la politique extérieure et intérieure. Le corps législatif se retrouvera tout de suite en face de ses travaux, en présence de quelques-uns des projets dont il a pu être saisi l’an dernier et de ceux qui pourront être proposés à ses délibérations cette année. Moins ses prérogatives sont étendues au point de vue politique, plus il semble que ses investigations et son contrôle doivent se porter sur certaines matières des plus graves encore, telles que l’état des finances. Le budget est une occasion naturelle. C’est au corps législatif de vérifier, d’analyser, de décomposer cette situation financière dont M. Bineau traçait l’autre jour le tableau dans ce rapport dont nous parlions. Envisagée dans son ensemble, certes cette situation n’a rien que de pleinement rassurant. L’ordre a rendu leur essor aux affaires, et en le rendant aux affaires, il l’a rendu aux recettes publiques. Que voit-on dans le rapport de M. Bineau ? C’est que les revenus indirects de 1852 non-seulement ont dépassé de plus de 60 millions les produits de 1851, mais qu’ils ont encore surpassé de 28 millions les prévisions sur lesquelles était basé le budget. 1851 a laissé un découvert de 100 millions, celui de 1852 est réduit à 28 millions ; il était primitivement porté à 103 millions. En comptant sur le développement régulier et normal des intérêts, sur le progrès de la fortune publique, on pourrait espérer voir les recettes de l’état s’élever insensiblement au niveau des dépenses, et le budget atteindre à l’équilibre, cet équilibre tant souhaité et toujours si vainement poursuivi. La situation financière de notre pays se présenterait donc sous un jour des plus favorables, si ce n’étaient les déficits permanens et toujours accrus, qui s’élèvent maintenant à 700 millions environ. Il est pourvu à ces charges, on le sait, avec les ressources de la dette flottante, qui se compose des fonds des caisses d’épargne, des bons du trésor, etc., et qui monte aujourd’hui à 690 millions.

Le chiffre élevé de la dette flottante ne constitue pas une difficulté pour le moment ; en serait-il ainsi dans toutes les éventualités ? On peut éviter le danger, dira-t-on, en évitant les révolutions. Soit, nous ne demandons pas mieux que de voir cette chance disparaître de la liste des éventualités humaines ; mais telle est l’extrémité singulière que créent les révolutions : si on compte sans elles dans les calculs financiers, on est imprudent et téméraire. Si on fait trop de place à ces redoutables probabilités, on craint d’agir, on restreint toute prévision, on vit au jour le jour, et l’essor du pays se trouve paralysé. Il faut donc tâcher de passer à travers ces écueils, en engageant l’avenir avec une prévoyante modération, en disposant du présent avec sagesse. Quant au présent, M. le ministre des finances donne une assurance qui sera certainement reçue avec joie, c’est que de nouvelles charges ne seront point imposées au pays, ce qui exclut d’avance toute pensée de faire revivre les projets de taxe qui avaient été présentés l’an dernier au corps législatif. Si le rapport ministériel révèle d’une manière générale l’amélioration des intérêts et des affaires, le compte-rendu annuel de la Banque l’exprime aussi sous une forme particulière par l’immense accroissement des opérations de cet établissement. Dans le compte-rendu de la Banque comme dans le rapport de M. Bineau, il y a une chose qui nous frappe, c’est que dans ces deux