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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 février 1853.

Est-il donc des momens où il passe dans l’air quelque chose d’inconnu et de mystérieux qui réveille subitement les esprits en faisant naître les incidens brusques et inattendus ? Et par quel capricieux hasard ces incidens viennent-ils se mêler aux bruits expirans d’un temps de fêtes et de plaisirs quelque peu échevelés ? Des arrestations en assez grand nombre à Paris, une tentative d’insurrection à Milan, tout cela presque le même jour, presque à la même heure, comme des nuages montant à deux points différens de l’horizon ! Heureusement la simultanéité est le seul lien entre ces incidens ; il n’y a aucune autre analogie dans la nature des faits, et encore moins peut-il y en avoir dans les résultats ; il semble au contraire que le caractère primitif des arrestations opérées à Paris tende à s’atténuer de plus en plus, soit par la mise en liberté successive de la plupart des personnes arrêtées, soit par la lumière qui se fait sur les inculpations dont sont encore l’objet celles qui restent détenues. D’un complot contre la sûreté de l’état, l’accusation passe à un délit de propagation de fausses nouvelles, et, sous cette forme, elle rentre dans le ressort de la justice ordinaire. Les tribunaux auront donc à se prononcer sur ce qui semblait dès l’abord être un acte préventif de sûreté publique, et revêtir à ce titre un caractère essentiellement politique. S’il y a eu délit, la justice le dira infailliblement, de même que s’il y a quelque question de légalité douteuse, elle fixera les incertitudes de la loi ; c’est là sa mission et son œuvre dans ce cas spécial. En assumant la responsabilité de la mesure qu’il a cru devoir prendre, le gouvernement avait visiblement pour but d’atteindre d’une manière plus générale un commerce suspect de fausses nouvelles, de bruits injurieux, de correspondances agressives, et c’est là le seul point où on peut s’arrêter.

C’est toujours sans doute une triste guerre que celle qui consiste à propager des bruits nés on ne sait d’où, à accréditer l’injure clandestine, à imaginer