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de lieues dans l’ouest des États-Unis, attestent la présence, dans cette immense région, d’une race supérieure à toutes les races indiennes de ces contrées, et remontent à une époque antérieure d’au moins six cents ans à la découverte de l’Amérique. Cette race a entièrement disparu et n’a laissé d’autres vestiges d’elle-même que ces monumens gigantesques, pareille à ces oiseaux et à ces lézards dont l’espèce est perdue et dont l’existence n’est attestée que par les empreintes de leurs pas sur le sable humide qui les a gardées. On ne sait pas le nom de ce peuple, et on est obligé de désigner ceux qui ont élevé ces tertres et construit ces remparts par l’appellation de bâtisseurs de tertres (mound-builders). Chose assez remarquable, on ne trouve aucun signe de la présence de ces populations inconnues à l’est des Alleghanis, chaîne de montagnes qu’évidemment elles n’ont pas traversée. Ainsi on peut faire, en quelque sorte, la carte des régions qu’elles ont occupées. Cette carte a été tracée par M. Davies, qui, sans appui, a considérablement avancé l’étude des antiquités de l’Ohio et duquel date une nouvelle ère dans ces recherches. Il serait bien à désirer qu’un gouvernement européen voulût envoyer une expédition à la recherche de ces antiquités sur les points nombreux où elles existent. Guidé par la carte de M. Davies, on pourrait faire des fouilles à coup sûr. J’ai pris à Chilicothe des renseignemens précis ; on trouverait toutes les directions désirables auprès d’un négociant distingué de cette ville, M. Clemensen. Le travail des fouilles reviendrait à 5 francs par jour pour chaque homme. Il faudrait se hâter, car chaque jour tertres, enceintes sacrées, fortifications, disparaissent sous la charrue du défricheur. Dans vingt ans, il ne subsistera peut-être plus rien de ce passé inconnu. Ne serait-il pas désirable de sauver de la destruction les débris de ce qu’on peut appeler une civilisation relative qui semble avoir été intermédiaire entre la culture plus avancée des peuples du Mexique et la barbarie des sauvages ? On ne peut faire que des conjecturés sur la race puissante qui a construit des retranchemens et élevé des autels et des tombeaux dans toute la région de l’ouest. Les Indiens des prairies disent que cette race est antérieure à leurs traditions ; ils les attribuent au grand Manitou. Heckenwelder, missionnaire morave, qui a beaucoup vécu au milieu des sauvages, parle d’un peuple qu’il appelle Talligewi ou Alligewi, et qui, dit-il, habitait à l’est du Mississipi et sur les rives de l’Ohio[1]. « Ces hommes, ajoute Heckenwelder, qui ont bâti les fortifications et les retranchemens qui subsistent encore, étaient remarquablement grands et forts, et quelques-uns avaient la taille et la

  1. Les Delawares prétendaient avoir autrefois vaincu ce peuple et l’avoir contraint de fuir vers le Mississipi.