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j’aurai visité la collection de M. Davies, qui est comme lui à New-York. Quant aux tertres et aux enceintes dont les unes paraissent avoir été des enceintes religieuses, et les autres étaient certainement des fortifications, j’en ai visité plusieurs aux environs de Chilicothe : elles sont quadrangulaires ou circulaires et forment toujours des cercles et des carrés parfaits. Il est de ces enceintes carrées qui ont plus de mille pieds sur chaque côté[1]. Celles qui ont été construites dans un but de défense sont entourées d’un fossé extérieur. Le rempart qui est en dedans du fossé est le plus souvent en terre. Cependant on a trouvé aussi des murs composés de pierre, et quelquefois ces pierres paraissent avoir été apportées d’assez loin[2]. Ce sont des travaux considérables qui supposent une population trop abondante pour avoir pu vivre autrement que par l’agriculture, et que les races faibles et rares découvertes par les premiers explorateurs de ces contrées n’auraient pu exécuter. De plus, il est certain que ces constructions et les tertres artificiels qui les accompagnent remontent à une époque plus ancienne. Quelques-uns des arbres qui les couvraient ont été coupés, et en comptant les couches annuelles de leurs troncs, on a reconnu que plusieurs d’entre eux étaient âgés d’au moins huit cents ans[3]. Comme ces arbres n’étaient probablement pas nés sur le dernier en date de ces monumens, on peut sans exagération donner à ceux-ci un millier d’années, et par conséquent une origine bien antérieure à la découverte de l’Amérique. Les enceintes que j’ai vues étaient carrées ou rondes ; mais il existe dans d’autres parties de la vallée de l’Ohio des élévations en terre auxquelles on a donné la forme d’animaux. L’une d’elles représente un grand serpent de cent cinquante pieds de long avec un œuf au-devant de sa tête. Cette figure est d’autant plus curieuse, que quelque chose de semblable se voyait en Angleterre auprès du fameux monument de Stone-Henge, dans la plaine de Salisbury. En rapprochant de ces faits le rôle que le serpent a joué dans les anciennes religions de l’Orient, M. Squiers, collaborateur de M. Davies, a formé un système historique sur le culte du serpent. M. Squiers me paraît confondre, comme beaucoup d’autres auteurs de systèmes mythologiques, des choses entièrement différentes. Les faits en eux-mêmes n’en sont pas moins curieux et les rapprochemens moins singuliers.

Mais, à part tous ces rapprochemens, il demeure établi qu’une classe de monumens évidemment de même origine, renfermant des antiquités de même sorte, s’étendent sur un espace de plusieurs centaines

  1. Ancient Monuments of the Valley of Mississipi, by Davies and Squiers, 31, 40.
  2. Ibid., II, 23.
  3. Lyell, Travels in Am. ., t. II, 29.