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le Brésil et la Plata une navigation de 34,000 tonneaux, et le mouvement de ses échanges avec le Sénégal, la côte occidentale d’Afrique et les îles Canaries représente au moins 30,000 tonnes. C’est dans son port que viennent aboutir un grand nombre de paquebots qui visitent les échelles du Levant. Une ligne mensuelle partant de Marseille pour le Brésil, et desservie par des navires de force moyenne, ne ferait donc pas double emploi avec la ligne principale partant de la Manche, et n’entraînerait pas de grandes dépenses. Elle serait alimentée par le midi de la France, l’Espagne, une partie de la Suisse, et par les passagers et les marchandises que les navires du Levant recueillent dans leurs fréquentes escales ; elle prendrait l’avance sur les ports étrangers de la Méditerranée qui tenteraient, comme Gênes, de nous enlever le transit en créant pour eux-mêmes une société de paquebots. — La ligne supplémentaire de Marseille ne porterait point atteinte au principe d’unité qui conseille impérieusement de réunir sur le même point, à portée du centre des affaires européennes, l’ensemble des services transatlantiques.

Ce principe admis, il devient presque inutile de prouver qu’il conviendrait de traiter avec une seule compagnie tant pour les grandes lignes que pour les lignes supplémentaires ; il en résulterait une économie notable. La subvention de l’état serait moins élevée, la surveillance plus simple. Le commerce et le public n’auraient point à redouter les abus d’un monopole, puisque les paquebots français seraient exposés pour toutes leurs destinations à la concurrence très active des paquebots américains ou anglais. Les motifs qui ont déterminé dans ces derniers temps la fusion de plusieurs lignes de chemins de fer s’appliquent également aux opérations de transports maritimes, et, à la suite d’un banquet qui vient d’avoir lieu à Southampton pour célébrer la naissance d’une nouvelle compagnie, il s’est manifesté en Angleterre de vives tendances vers une réunion, au moins partielle, des nombreuses compagnies qui exploitent les paquebots. En présence de ces faits et de ces symptômes, la question ne saurait demeurer douteuse.


IV

L’exposé que nous venons de faire permet d’apprécier les difficultés, les complications de toute nature qui ont entravé jusqu’ici l’organisation de nos services à vapeur sur l’Océan. Comment concilier tant d’intérêts contradictoires ? et si la conciliation est impossible, comment affronter les mécontentemens de ces intérêts froissés ? Ce n’est pas tout, il y a une foule de détails techniques dont l’étude est indispensable et qui soulèvent les problèmes les plus ardus. Enfin, quelle que soit la décision, il faut que le trésor débourse une très forte somme. La subvention de l’état est la base de tout l’édifice : comment la calculer de telle sorte qu’elle contribue efficacement au succès de l’entreprise, sans grever outre mesure la fortune publique ?

Le gouvernement a chargé une commission spéciale d’examiner ces différens points, d’entendre les propositions des compagnies et de préparer les clauses du futur contrat. Le taux de la subvention devant dépendre du nombre des navires, de leur échantillon, de leur force de vapeur, de leur mode de construction, de la fréquence des voyages, de la longueur des itinéraires,