Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/730

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Avant d’exprimer une opinion définitive sur le mode de construction, il importe de déterminer exactement quel sera le principal rôle des steamers, Si l’on veut obtenir des bâtimens propres au combat et pouvant, à un moment donné, entrer en ligne dans les rangs d’une escadre de guerre, les constructions en bois doivent être évidemment préférées, car il a été reconnu que les boulets, frappant la coque des navires en fer, produisent des avaries très graves et souvent irrémédiables. Si au contraire on veut obtenir une marche rapide et une exploitation économique, les constructions en fer doivent l’emporter. On a fait à ce sujet de nombreuses expériences, et l’un de nos plus habiles constructeurs, M. Benêt, entendu dans la dernière enquête parlementaire sur la marine, a émis son opinion en ces termes : « Je suis convaincu que, pour le commerce, les constructions en fer remplaceront celles en bois. Dans la marine militaire, pour les bâtimens qui ne sont pas des navires de guerre proprement dits, pour les avisos, on continuera à se servir du fer ; pour les vaisseaux destinés à combattre, on est déjà revenu au bois. » Cela posé, il faut que le gouvernement décide s’il entend sacrifier l’intérêt commercial à l’intérêt militaire, en exigeant la construction de navires en bois. Or il nous semble que, dans les circonstances actuelles, à la suite de l’échec éprouvé par les navires en bois de 450 chevaux prêtés à la compagnie Hérout et de Handel et en présence de la concurrence anglaise, il serait imprudent d’adopter un parti aussi radical. Quelle est la fonction habituelle, normale des paquebots ? Dans quel intérêt crée-t-on les lignes transatlantiques ? N’est-ce point surtout afin de faciliter l’échange des correspondances, les relations du commerce, le transport des passagers ? Et dès lors comment pourrait-on hésiter entre les deux systèmes ? D’ailleurs, les navires en fer ne seraient point inutiles en temps de guerre ; on les emploierait aux transports de troupes, de munitions, d’approvisionnemens, et ils rendraient, à ce titre, d’immenses services qu’il est superflu d’énumérer. Le contrat signé le 5 juillet 1850 entre l’amirauté et la Compagnie Royale pour l’exploitation de la ligne des Indes occidentales et du Brésil stipule l’entretien de quinze navires, dont dix seront construits en bois et mis en état de porter au besoin de l’artillerie d’un fort calibre ; mais, il y a deux ans, on n’était pas encore complètement fixé sur les qualités respectives du bois et du fer, et aujourd’hui la compagnie anglaise se trouve gravement lésée par la condition expresse qui lui a été imposée dans son contrat. — Au point où en sont les choses et pour donner satisfaction à l’intérêt militaire, qui tient évidemment une grande place dans les préoccupations du gouvernement, on pourrait à la rigueur exiger qu’une partie des paquebots affectés aux grandes lignes, la moitié au plus, fussent construits en bois ; aller au-delà, ce serait, nous le croyons, dépasser la mesure.

Les expériences récentes ont démontré que les steamers à roues conviennent surtout aux courtes traversées, et les steamers pourvus de l’hélice, aux longs voyages. Les paquebots Cunard et Collins, qui font le service entre l’Angleterre et les États-Unis, sont mus par des roues, tandis que l’hélice est généralement employée pour les services lointains qui, depuis deux aimés, se sont multipliés en Angleterre, à destination de la côte occidentale d’Afrique, du cap de Bonne-Espérance, de Calcutta, de l’Australie. Sur onze navires actuellement en chantier pour le compte de la Compagnie Péninsulaire