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encore à nous préoccuper de la création d’un service à vapeur. On a quelquefois songé, il est vrai, à rattacher la colonie de la Réunion, soit à Aden, soit à Bombay, soit à Pointe-de-Galle, par un paquebot qui correspondrait avec les navires de la compagnie anglaise ; mais il n’y a là qu’un intérêt purement local auquel on pourrait aisément donner satisfaction au moyen d’un steamer de guerre appartenant à la division navale des mers de l’Inde. Jusqu’ici le département de la marine a reculé devant la dépense, et il attend, avec quelque raison, que le gouvernement anglais ait pris en faveur de l’île Maurice, voisine de la Réunion, l’initiative de la mesure qui profiterait en même temps à notre colonie. Il ne faut pas en outre perdre de vue que depuis peu de mois un nouveau service part régulièrement de Southampton pour Calcutta, en passant par le cap de Bonne-Espérance et en faisant escale à Maurice. Nos communications avec la Réunion sont ainsi devenues plus rapides et plus fréquentes, et elles paraissent suffire aux intérêts du service administratif comme aux besoins du commerce. Quant au Sénégal et à la côte occidentale d’Afrique, où nos échanges ont acquis pendant ces dernières années un développement considérable, la ligne qui desservira le Brésil pourra, soit directement en touchant à Corée, soit par un embranchement établi à Madère, assurer leur correspondance mensuelle avec la France. Il n’y a donc en réalité que trois services principaux dont la création immédiate soit aujourd’hui nécessaire ; ils doivent aboutir aux trois zones où se concentre, sur l’Atlantique, l’activité commerciale du Nouveau-Monde.

Si l’on consulte les documens statistiques publiés par l’administration des douanes, on observe que, pour 1851, la valeur totale des marchandises transportées entre la France et les États-Unis s’est élevée à 359 millions de francs. Les échanges avec les Antilles et le golfe du Mexique ont atteint, pour la même année, 160 millions ; avec le Brésil et le Rio de la Plata, 102 millions. L’ensemble de ces chiffres représente environ le tiers du commerce maritime de la France.

Sur la ligne des États-Unis, nos paquebots auront à lutter contre la double concurrence des steamers anglais et américains ; sur les deux autres lignes, ils ne rencontreront que les compagnies anglaises ; ce sera donc le service de New-York qui exigera de notre part le plus d’efforts et de sacrifices. Assurer à nos paquebots la clientèle des passagers et des marchandises qui, jusqu’à ce jour, ont emprunté la voie de l’Angleterre pour être transportés de France aux États-Unis, et vice versa, attirer sur notre territoire le transit des produits que l’Europe centrale expédie dans le Nouveau-Monde, tel est le problème à résoudre. Dans cette vue, il serait nécessaire que le service français fût égal, sinon supérieur, à ceux des compagnies Cunard et Collins, tant pour la fréquence des voyages que pour la rapidité des traversées. Les départs des paquebots Cunard étant hebdomadaires, et ceux des paquebots Collins bi-mensuels, nous ne saurions avoir moins de deux départs chaque mois à destination de New-York. Les lois de la concurrence conseilleraient même d’organiser un départ chaque semaine, car, en matière de transports, l’avantage demeure infailliblement au service qui offre les plus grandes facilités pour les communications et qui appelle ainsi les préférences du commerce. Les Américains ne se dissimulent pas la supériorité des Anglais à cet égard sur la