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d’Angleterre et des États-Unis se sont réservé les recettes des postes sur toutes les correspondances transportées par les paquebots. Ces recettes sont importantes. M. Cunard a déclaré en 1851, devant une commission d’enquête nommée par la chambre des communes, que la seule ligne de Liverpool à New-York faisait rentrer dans les caisses de l’état, à titre de droits de poste, une somme de 140,000 livres sterling. Dans son rapport de 1852, le directeur-général des postes de l’Union a constaté que le produit de la taxe des lettres à bord des paquebots Cunard et Collins avait procuré au trésor, pendant l’exercice 1851-52, une somme de 463,615 dollars (2,503,521 fr.)[1]. Ainsi dans certains cas le revenu postal couvre une grande partie des frais de la subvention.

Le bénéfice est également très sensible, si l’on considère le développement que les steamers impriment aux transactions et l’augmentation qui en résulte dans les recettes des diverses branches de l’impôt indirect, notamment de la douane. Pendant l’année 1851, les marchandises importées d’Europe en Amérique par les lignes de Liverpool (Cunard et Collins), du Havre et de Brème, ont payé à la douane de New-York près de 39 millions de francs à titre de droits d’entrée. Une grande partie de ces marchandises, consistant surtout en objets de luxe, n’aurait sans doute pas été expédiée, si l’exécution des commandes avait dû être subordonnée aux lenteurs inévitables de la navigation à voiles. Pour justifier l’accroissement qu’ils sollicitaient dans le taux de leur subvention, les concessionnaires de la ligne de Brème à New-York ont fait observer avec raison que, depuis rétablissement de ce service, les envois de l’Allemagne à destination des États-Unis s’étaient élevés de 3 millions de dollars à 10 millions, c’est-à-dire qu’ils avaient plus que triplé. En Angleterre, les mêmes résultats se sont produits ; on en peut juger par une déposition de M. Anderson, membre du parlement et directeur de la Compagnie Péninsulaire, devant la commission d’enquête on steam navy. — Il y a quelques années, dit M. Anderson, on demanda au chancelier de l’échiquier une subvention supplémentaire pour établir entre Londres et Constantinople un service qui pouvait réduire à treize jours (au lieu de vingt-quatre) la durée des voyages et des communications postales. Après quelques hésitations, le crédit fut accordé, et en peu d’années les exportations de l’Angleterre pour la Turquie s’accrurent de plus de 30 millions de francs. En 1848, les steamers de cette ligne exportèrent de Southampton pour 25 millions de marchandises, et les négocians grecs, qui se livrent principalement à ce commerce, déclarèrent que le développement des affaires devait être attribué à la création des services de paquebots, qui permettaient de multiplier l’emploi du capital et assuraient l’arrivée à jour fixe des marchandises destinées aux différens marchés. À l’aide de calculs incontestables, M. Anderson démontrait que l’accroissement signalé dans le chiffre des exportations pour la Turquie procurait à l’échiquier, par suite des perceptions de l’impôt indirect, un supplément de recettes de 120,000 livres sterling (3 millions de francs). Les autres lignes

  1. D’après le même rapport, les steamers transatlantiques ont transporté, en 1851-52, 4,431,545 lettres, qui se répartissent ainsi entre les différentes lignes :
    Lettres transportées par les lignes Cunard : 2,758,096
    “ Collins : 763,692
    “ De Brème : 354,470
    “ Du Havre : 345,287