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ne le gêne ; les ardeurs parfois immodérées de la spéculation le sollicitent sans relâche pour qu’il jette des steamers français sur les océans. La décision est donc imminente, et elle est attendue avec une légitime anxiété.


II

Quand un particulier entreprend de construire une usine et d’exercer une grande industrie, son premier soin est de mesurer avec exactitude la force et les ressources de ses concurrens ou des industriels qui l’ont précédé dans la même carrière. C’est une règle élémentaire : elle s’applique à la création des services à vapeur.

Les steamers anglais et américains sillonnent aujourd’hui les Océans Atlantique et Pacifique, la Méditerranée, la mer des Indes. Les différentes lignes sont réparties entre plusieurs compagnies très puissantes, pourvues de capitaux considérables et soutenues par les subventions de l’état. Il est indispensable d’exposer succinctement les moyens d’action dont ces compagnies disposent, leurs itinéraires, les résultats qu’elles obtiennent, et l’influence qu’elles exercent sur l’industrie et le commerce des pays dont elles assurent et développent les relations maritimes.

Ce fut au mois d’avril 1838 que partirent de Bristol et de Cork les deux navires (le Great-Western et le Sirius) qui les premiers affrontèrent la traversée de l’Atlantique à l’aide de la vapeur[1]. Le Great-Western n’avait à bord que sept passagers dont on admirait l’audace. Dès la fin de 1838, le gouvernement anglais se mit en mesure d’établir entre les États-Unis et l’Angleterre une communication régulière, et il conclut avec M. Cunard un arrangement en vertu duquel le concessionnaire s’engageait à desservir deux fois par mois la ligne de Liverpool à Halifax, moyennant une subvention annuelle de 45,000 livres sterling (1,125,000 fr.). Le service fut inauguré en 1840, et quatre steamers, de 1200 tonneaux et de la force de 400 chevaux, y furent affectés. En 1849, une nouvelle convention organisâtes départs hebdomadaires à destination de Boston ou de New-York, sauf pour les quatre mois d’hiver, pendant lesquels les départs ne devaient avoir lieu que par quinzaine, et porta la subvention à 145,000 livres sterling (3,625,000 francs). Les anciens navires furent remplacés par des bâtimens de 1800 à 2000 tonneaux, et d’une force de 650 à 800 chevaux. Enfin, en 1852, la subvention a été élevée à 186,000 livres sterling (4,650,000 francs). Dans une enquête récente, M. Cunard a déclaré que la valeur du capital engagé dans l’opération était de 25 millions de francs. Le service s’accomplit avec la plus grande régularité. Chaque jour, la compagnie, stimulée par la concurrence américaine, améliore son matériel naval ; les steamers qu’elle fait construire mesurent un plus fort tonnage et sont pourvus de machines plus puissantes.

En 1840, l’amirauté signa un contrat avec la Royal West India Mail steam packet Company, pour le transport des correspondances aux Antilles, à la Côte-Ferme et au Brésil. La subvention annuelle fut fixée à 240,000 liv. sterl.

  1. En 1819, le Savannah avait fait en vingt-six jours la traversée de New-York à Liverpool ; mais c’était un navire mixte, se servant à la fois de la voile et de la vapeur, et l’expérience ne pouvait être considérée comme décisive.