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où des archanges cuirassés parcouraient l’espace en brandissant leurs glaives flamboyans, et c’est par d’autres signes que les miracles du Dieu des armées se manifestent ; mais ce qui a survécu et ce qui toujours subsistera, c’est cette force d’âme que donne une croyance, cette faculté souveraine qu’inspire la foi, de s’élever au-dessus des humiliations et des catastrophes du moment, et de regarder plus haut et plus loin. Il y avait dans l’expression sévère et mystique de Charles-Albert, dans cette figure ascétique et martiale, beaucoup de la physionomie d’un chevalier du moyen âge. Évidemment, il crut jusqu’à la fin accomplir une mission providentielle et marcher à la croisade. Au début de la seconde campagne, en franchissant l’Adige au milieu de son état-major, il se découvrit solennellement, comme aurait pu faire Godefroy de Bouillon mettant le pied en Terre-Sainte !

Autour de Charles-Albert et de son armée se groupaient les divers détachemens de la force armée italienne proprement dite. Naples envoya quinze mille hommes bien organisés, sous la conduite du général Pepe ; il est vrai que le roi Ferdinand eut en même temps l’heureuse inspiration de conserver auprès de lui sa garde et les Suisses, élite de ses troupes, à laquelle il dut le salut de sa couronne à la journée du 15 mai. Aux Napolitains vinrent se joindre dix-sept mille Romains ou Suisses de l’armée papale, formant deux bataillons de grenadiers, deux bataillons de chasseurs, cinq de fusiliers, avec deux batteries et un régiment de dragons, troupe aguerrie et vigoureuse que renforçait partout sur son passage la célèbre milice des Crociati. Comptons en outre les Toscans au nombre de six à sept mille, la cohorte livournaise et la bande des étudians de Pise. Quant au chiffre du contingent fourni par Modène et Parme, il pouvait s’élever à quatre mille hommes. Si maintenant on estime à quarante ou cinquante mille hommes la masse de ces alliés, à cinquante mille l’armée lombardo-piémontaise, il résulte de ce calcul que le maréchal allait, dès son entrée en campagne, se trouver en présence d’un effectif de cent mille hommes.

Quelles étaient, d’autre part, les forces militaires de Radetzky ? Le maréchal, au moment de quitter Milan, disposait en tout (y compris la gendarmerie et la police) de soixante-quinze mille hommes, dont il avait fallu détacher une brigade pour l’envoyer en toute hâte maintenir le Tyrol, et que la capitulation ou la désertion avaient au moins réduits de vingt mille hommes, de sorte qu’après sa jonction avec son second corps d’armée il pouvait compter de quarante-cinq à cinquante mille combattans, ce qui lui faisait, en ôtant quinze mille soldats que réclamait impérieusement la défense des forteresses, trente à quarante mille hommes de troupes disponibles.

L’Italie, à cette heure, semblait donc perdue à tout jamais pour