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d’attiser ces mécontentemens populaires. Il multiplia ses achats d’armes et de munitions à Singapore, et se montra ouvertement hostile à l’influence hollandaise. Cette agitation prématurée obligea le gouverneur de Batavia à mieux préciser les rapports de la Hollande avec les princes de Bali. Le rajah de Bleling consentit à signer un traité, par lequel il se plaçait sous la protection du gouvernement des Pays-Bas; mais ses menées n’en furent que plus actives, et son attitude n’en devint que plus offensante. Il fallait mettre un terme à cet état de choses. La Hollande ne pouvait tolérer les allures hautaines des souverains de Bali, sans s’exposer à perdre la puissance morale qui maintient sous son joug 16 millions de sujets. M. de Rochussen accepta la responsabilité d’une expédition qui pouvait tout compromettre, mais dont le succès devait aussi tout sauver.

Le 28 juin 1846, 3,000 hommes de troupes régulières, sous les ordres du lieutenant-colonel Backer, furent débarqués à l’est du village de Bleling. Ils trouvèrent 30,000 Balinais retranchés derrière de grossières redoutes formées par deux rangées de troncs d’arbres, dont l’intervalle était rempli de pierres et de claies de bambous. Soixante canons de bronze occupaient les embrasures ménagées dans ces retranchemens épais de deux ou trois mètres, élevés de six ou sept au-dessus du niveau du sol. Ce ne fut point sans de grands sacrifices que les Hollandais réussirent à enlever cette première ligne de défense; mais, une fois maîtres de la plage, ils n’éprouvèrent plus de résistance. Les Balinais s’enfuirent jusqu’à Singa-Radja, capitale de l’état de Bleling, située à trois milles dans les terres. Les Hollandais y entrèrent avec eux, et l’incendie dévora en quelques heures cette ville de bambous. Le rajah s’était réfugié dans les montagnes; il signa un nouveau traité, et contracta l’engagement de payer les frais de la guerre. Les autres princes reconnurent, comme lui, la souveraineté de la Hollande, et firent acte de soumission. Un fort armé de huit canons fut élevé sur la plage de Bleling, et le résident de Besouki fut chargé de remplir auprès des souverains de Bali le rôle de commissaire du gouvernement néerlandais.

Dix-huit mois s’étaient à peine écoulés, qu’une nouvelle expédition était devenue nécessaire. Les princes de Klong-Kong, de Karang-Assam et de Bleling, unis cette fois dans leurs projets de résistance, avaient soulevé contre les Hollandais toute la population balinaise. Le fanatisme religieux prêtait de nouvelles forces au sentiment de la nationalité. Les Balinais avaient détruit eux-mêmes le village de Bleling et la résidence de Singa-Radja. C’était au milieu de leurs montagnes, à Djaga-Raga, dans une position fortifiée avec le plus grand soin, qu’ils avaient résolu d’attendre l’armée hollandaise. Le 9 juin 1848, cette armée se mit en marche, sous le commandement du général Van der Wick. Arrivée sur le plateau de Djaga-Raga, elle