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de l’idée révolutionnaire dans toute la force de son expansion, avait Mazzini pour grand-prêtre. Son système à lui était des plus simples : il voulait la destruction de tous les gouvernemens, et, sur leurs ruines amoncelées, la république romaine ; mais si tel était son dernier mot, il n’avait garde, on le suppose, de l’articuler, et laissait volontiers passer devant lui les plus pressés, leur donnant au besoin un coup de main dans l’occasion. Tandis que Gioberti, esprit romanesque et fantasque, trop philosophe pour un prêtre, trop prêtre pour un philosophe, se livrait à ses divagations triomphantes, tandis que le comte Cesare Balbo exposait, dans les Speranze d’Italia, cette idée au moins bizarre - que l’Italie ne renaîtrait qu’au jour de la dissolution de l’empire ottoman, l’impénétrable Mazzini, quoique plein de dédain pour ces travaux d’idéologue, ne cessait pas de les encourager, car les théories du libéralisme de l’époque avaient à ses yeux leur utilité pratique : elles déblayaient le terrain, elles démocratisaient les princes et les gouvernemens, et l’on sait ce que valent, au jour où l’insurrection se démasque, les princes et les gouvernemens démocratisés. Avant même qu’ils eussent eu le temps de s’en douter, la plupart des souverains de l’Italie étaient devenus la proie de la révolution. Évoquant à la fois le mécontentement des cabinets, l’ambition des princes, les sourdes mais implacables rancunes d’un patriciat humilié, l’esprit dominateur du clergé, — habile à se faire arme de tout contre l’Autriche, à réunir en un seul faisceau tous les patriotismes, tous les aveuglemens, toutes les impuissances, — étape par étape, le cauteleux Mazzini s’avançait de la sorte vers sa république universelle. L’idée d’une fédération italienne avait entraîné déjà Pie IX dans sa cause ; par la chimérique promesse d’un royaume de la Haute-Italie, il venait de leurrer Charles-Albert ; le monde obéissait à l’impulsion du fanatique ascète, et l’idée allait triompher, lorsqu’en face d’elle se dressa tout à coup la force matérielle, représentée par le maréchal Radetzky et ses armées.

« Il était réservé à notre époque, a dit ingénieusement un célèbre orateur espagnol, de nous montrer le double spectacle de la barbarie amenée par les idées et de la civilisation restaurée par les armes. » A défaut de tant d’autres exemples que nous pourrions citer en abondance, l’histoire de la campagne d’Italie en 1848 et 1849 est là pour démontrer la profonde justesse de cette parole de M. Donoso Cortès. Nous espérons ici qu’on ne se méprendra point sur notre pensée. À Dieu ne plaise que nous prétendions nous extasier devant la domination autrichienne en Italie et proclamer sans réserve le gouvernement militaire du maréchal Radetzky comme le plus grand bienfait dont le ciel ait jamais doté un peuple ! Ce régime, quoique d’ailleurs très peu barbare et ne ressemblant en rien au tableau que