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une population de 32,000 âmes, est situé près du bord de la mer, à l’ouest du canal qui traverse la ville européenne. C’est un des faubourgs de Canton transporté sous ce ciel étranger avec ses ruelles étroites et ses carrefours, avec ses magasins et ses échoppes, avec ses enseignes et ses lanternes. La colonie chinoise a menacé plus d’une fois la sécurité de l’établissement hollandais. En 1660, elle soutint les prétentions d’un prince de la famille de Mataram, qui reçut des Javanais le surnom dérisoire d’empereur des Chinois. En 1740, elle tenta de s’emparer de Batavia. Des rassemblemens se formèrent dans la campagne et se portèrent en armes sous les murs de la ville. Il ne fallut qu’une démonstration vigoureuse pour les disperser. Craignant cependant que l’insurrection vaincue ne comptât de nombreux complices parmi les étrangers qui n’y avaient point pris une part active, ou voulant par un grand coup effrayer à jamais les rebelles, le gouverneur hollandais osa, dit-on, ameuter contre les Chinois les instincts féroces de la populace javanaise. Des troupes de furieux se ruèrent, la torche en main, sur le campong, et le livrèrent aux flammes. Dix mille victimes furent égorgées dans un seul jour. C’est le souvenir le plus néfaste de l’histoire de la compagnie. Les Chinois heureusement s’émeuvent peu de pareils désastres. Sous le courroux des despotes ou sous les fureurs populaires, ils courbent la tête comme à l’approche de l’ouragan. Ils ne font cas ni d’un massacre ni d’un typhon. Leur immense population ressemble à ces tours vivantes dont parle Bossuet, qui réparent à l’instant leurs brèches. Quelques années après la catastrophe de 1740, ils avaient reparu à Batavia aussi nombreux, aussi actifs qu’auparavant. Un écrivain hollandais a fait remarquer, non sans raison, que, si les lois du Céleste Empire cessaient de s’opposer à l’émigration des femmes, la Malaisie ne tarderait point à devenir une province de l’empire chinois. Jusqu’à présent, le trop plein des provinces méridionales de la Chine ne se déverse point chaque année sur les côtes de l’archipel indien dans l’intention de s’y établir. Il est peu de Chinois qui abandonnent la terre natale sans emporter l’espoir de la revoir avant de mourir. On comptait cependant à Java, en 1849, 108,000 Chinois. Il n’y avait à la même époque, dans toute l’île, que 16,000 Européens et 20,000