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SOUVENIRS D'UNE STATION


DANS


LES MERS DE L'INDO-CHINE.




LA BAYONNAISE A BATAVIA.




Le 2 juillet 1849, nous quittâmes le port de Macassar, et nous tournâmes notre proue vagabonde vers la baie de Batavia. Lorsqu’au mois d’avril 1847 j’avais quitté la France pour me rendre dans les mers de Chine, je ne m’étais point promis de plus grand dédommagement d’une longue absence et d’un lointain voyage que le plaisir de visiter la capitale des Indes néerlandaises. Mon père avait fait, sous les ordres de M. d’Entrecasteaux, la campagne qu’accomplirent, de 1791 à 1795, dans l’Océan Pacifique et dans l’archipel indien, les deux corvettes envoyées par le roi Louis XVI à la recherche des navires de La Pérouse. Après la mort des deux chefs de l’expédition, M. d’Oribeau conduisit les corvettes françaises dans le port de Sourabaya, et mon père, alors enseigne de vaisseau, se vit contraint d’attendre, pendant plus d’une année, sur les côtes de Java, l’occasion de rentrer en Europe.

Les colonies hollandaises étaient à cette époque sur leur déclin. Cependant, après cinquante-trois ans passés à parcourir le monde, l’ancien officier de d’Entrecasteaux affirmait encore que l’île de Java et les Moluques étaient ce qu’il avait vu de plus beau sur la terre. Je m’étais pénétré de ces impressions enthousiastes, et je ne pouvais songer sans émotion au bonheur que j’éprouverais à visiter moi-même ces merveilleuses contrées. Une circonstance imprévue était