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domination aussi exceptionnelle. Dans les Indes néerlandaises, l’administration repose tout entière sur ce principe vigoureux : le gouvernement d’un seul. Le conseil des Indes n’a, comme l’audience de Manille, que des attributions purement consultatives. C’est dans cette concentration de pouvoirs qu’il faut chercher l’explication des rapides progrès accomplis à Java de 1830 à 1838.

Après avoir administré la colonie pendant trois années consécutives, M. le comte Van den Bosch fut appelé dans les conseils de la couronne, et de ce poste élevé il continua de présider aux destinées de Java. Quand l’illustre général rentra dans la vie privée, sa tâche était remplie ; il avait mis la dernière main à son œuvre. La place de M. le comte Van den Bosch est marquée dans l’histoire. Il prendra rang à côté des Clive et des Warren Hastings ; mais, plus heureux que ces fondateurs de l’empire indo-britannique, le gouverneur des Indes néerlandaises a pu jouir en paix de sa gloire. La faveur du chef de l’état a soutenu M. Van den Bosch au milieu des premières difficultés de son entreprise, et la reconnaissance publique a devancé le jugement de la postérité. M. Van den Bosch peut se présenter sans crainte devant ce grand tribunal : la postérité ratifiera l’opinion de ses contemporains. Comme eux, elle admirera les vues fécondes et les fermes desseins de cet esprit pratique; elle le louera d’avoir su résister aux clameurs d’une philanthropie envieuse, et d’avoir, en ouvrant au commerce de la métropole des perspectives jusqu’alors inconnues, préparé par le travail la transformation d’un peuple dont le fanatisme repousse avec la même obstination nos doctrines politiques et notre foi religieuse.

Le seul reproche qu’on ait pu adresser avec quelque apparence de raison à l’habile organisateur de Java, c’est de s’être consacré trop exclusivement à cette œuvre capitale. En négligeant d’assurer les droits de la Hollande sur les parties litigieuses de l’archipel indien, le général Van den Bosch contribua peut-être, en effet, à encourager les empiétemens que méditait déjà l’Angleterre. On ne saurait oublier cependant sans injustice que les progrès de la domination hollandaise dans l’île de Sumatra ont été accomplis sous sa direction et tiennent dans son gouvernement une place importante. La portion de Sumatra dont les Anglais ne contestent point la possession à la Hollande était loin sans doute d’être conquise et pacifiée quand le général Van den Bosch rentra en Europe, aujourd’hui même elle ne l’est point encore; mais cet homme éminent fut le premier qui substitua une domination politique aux relations incertaines que les comptoirs de la côte entretenaient depuis longtemps avec les peuplades de l’intérieur. Sumatra est l’Algérie des Indes néerlandaises. Il y faut lutter contre les élémens épars d’un gouvernement fédéral, contre un peuple étranger à toute hiérarchie. La sédition ameutée par le