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THOMAS MOORE


SA VIE ET SES MEMOIRES.




Memoirs, Journal and Correspondence of Thomas Moore, edited by the right honourable lord John Russell ; London, Longman, 1853, vol. I et II.




S’il était vrai, comme on l’assure, que nous fussions dans un siècle de décadence, il resterait cette consolation à notre orgueil, qu’en littérature nous pourrions nous croire encore au bon temps des décadences. Si la civilisation moderne devait avoir un Plutarque, c’est en effet aujourd’hui qu’il pourrait naître. La faculté créatrice est-elle éteinte en nous ou ne fait-elle que sommeiller ? Je ne sais ; la chose évidente, c’est que le penchant prédominant de l’époque est, en matière de littérature élevée, le goût des biographies. À défaut d’invention, nous avons la curiosité. Nous ne produisons plus de thaumaturges, mais nous recueillons la légende et nous décorons la chapelle de nos saints. Cette piété littéraire n’est point sans mérite ; elle a de plus un grand charme. La vie d’un homme illustre, c’est-à-dire d’un homme qui a été à son heure la pensée, la parole ou le bras de milliers d’hommes, est toujours une chose poétique, et celui qui, réunissant les souvenirs d’une telle vie, fait revivre la figure et le caractère qui l’ont animée est quelquefois lui-même presque un poète.

Les Anglais, peuple de protestantisme et de liberté chez lequel le développement de l’individu, le sentiment de la force et de la dignité personnelle tiennent une plus grande place que parmi nous, se sont depuis plus longtemps que nous appliqués à la biographie. Il est de mise en France que l’homme qui a occupé vivant l’attention du public