Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/611

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ce qui ferait croire néanmoins que cet avantage était peu décisif, c’est que, sous le coup de ces nouvelles, le gouvernement de Buenos-Ayres préparait de nouvelles forces et prenait d’assez importantes mesures militaires. Urquiza sortira-t-il victorieux de cette lutte ? Rien n’est plus incertain. Mais à cette question on pourrait substituer une question bien plus sérieuse : — comment se fait-il que la merveilleuse situation faite à tous les hommes intelligens par les événemens de l’an dernier avorte si misérablement aujourd’hui dans la guerre civile ? — Un émigré Argentin de talent, M. Sarmiento, dans une lettre qu’il adressait récemment du Chili au général Urquiza, disait que toutes les anciennes questions de partis auraient dû s’effacer devant ces autres questions de la navigation des rivières, des voies de communication à créer, du commerce à développer, de l’industrie à stimuler. C’est là, en effet, la seule politique féconde pour ces pays. C’est pour l’avoir oublié que la République Argentine se trouve de nouveau plongée dans la guerre civile, et tandis que l’histoire de ces provinces compte une convulsion de plus, d’autres pays sur le même continent trouvent la paix dans la pratique d’une politique plus réelle et plus efficace. Le Brésil et le Pérou viennent d’échanger les ratifications d’un traité sur la navigation du fleuve des Amazones. Non-seulement ce traité règle les relations commerciales qui s’établiront entre les deux pays par cette voie, mais il détermine les avantages qui seront faits par les gouvernemens à la compagnie créatrice de la navigation à vapeur sur le Marañon. Une compagnie s’est même organisée et a été autorisée à Rio-Janeiro ; ce ne sera pas, à coup sûr, un événement vulgaire que le premier voyage d’un navire à vapeur à travers ces contrées centrales de l’Amérique, jusqu’ici partagées entre la solitude et la vie sauvage.

CH. DE MAZADE.




LE GÉNÉRAL FRANKLIN PIERCE.

La vie du nouveau président des États-Unis vient d’être racontée par un des écrivains les plus éminens de son parti. M. Hawthorne, qu’une mesure impolitique des whigs en 1848 avait privé d’une modeste position administrative, s’est vengé à sa manière en écrivant la biographie du candidat démocratique[1]. Bien que M. Hawthorne se défende d’avoir été inspiré par une pensée de polémique politique, un léger sentiment de rancune court d’un bout à l’autre de son nouvel écrit. M. Hawthorne a épuisé toutes les ressources de son sujet, il a rassemblé, pour éclairer la figure, jusqu’ici très obscure, du nouveau président, les détails les plus minutieux ; il a lu les lettres et les notes du général Pierce, il a analysé les plaidoyers qu’il a prononcés au barreau du New-Hampshire, il a fouillé dans les archives du congrès et des législatures locales pour y retrouver ses états de services ; il craint perpétuellement de ne pas faire assez admirer son héros ; en un mot, le langage de M. Hawthorne est empreint d’une exagération qui contraste avec les faits qu’il doit raconter. A-t-il pris la plume simplement par amitié, pour raconter la vie honorable et uniforme d’un ancien camarade avec lequel, il le confesse, il n’a eu depuis cette époque que de rares et passagères relations ? « Tout

  1. Life of General Franklin Pierce, the new American président, by Nathaniel Hawthorne ; London, George Routledge, 1853.