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cussions auxquelles la question religieuse vient de donner lieu que la proportion numérique des prêtres est exactement la même dans les deux confessions, mais que, pour le nombre des églises et des institutions religieuses, les catholiques ont l’avantage. Les craintes des protestans ne sont que plus vives depuis que ce point curieux de statistique a été mis en lumière. Les instructions adressées par le gouvernement prussien aux administrations des provinces ont spécialement pour objet de paralyser les efforts des missionnaires jésuites. L’un des chefs du parti catholique dans la seconde chambre, M. de Waldbott, a fait une motion dont le but est d’obliger le ministère à retirer ces instructions. Les protestans répondent à cette démonstration des catholiques en se pressant en foule aux prédications des pasteurs Krummacher et Kunze contre l’église romaine. On a même essayé d’établir à Berlin une affiliation de l’Evangelical Alliance d’Angleterre, afin de concentrer toutes les forces du protestantisme contre l’agression de l’église catholique, qui passe pour méditer contre l’anglicanisme une nouvelle campagne plus formidable encore que la première. Jusqu’à présent toutefois cette affiliation n’a point réussi à se fonder.

L’Espagne, à la veille des élections, n’a point changé de situation. Le trait le plus saillant de l’état actuel de la Péninsule, on le sait, est la scission entre les diverses fractions du parti conservateur, scission qui a eu déjà bien des phases, et qui s’est aggravée récemment encore d’un incident où s’est trouvé mêlé le général Narvaez. Ce qui, à notre avis, est profondément à regretter tout d’abord, c’est qu’au milieu de la lutte des partis un homme comme le duc de Valence, avec sa situation, ses antécédens, ses services et son avenir, ait cru devoir prendre une attitude aussi militante qu’il l’a prise, au lieu de rester comme l’épée fidèle de la reine, son conseil au besoin, et peut-être l’arbitre de la crise prochaine qui s’annonçait. C’est là, sans nul doute, la première cause des complications où il s’est trouvé bientôt personnellement engagé. Le cabinet de M. Bravo Murillo, avant sa chute, avait donné au général Narvaez l’étrange mission d’aller à Vienne étudier l’état militaire de l’Autriche. Arrivé à Bayonne, le duc de Valence, sous l’empire d’une susceptibilité facile à concevoir, a adressé à la reine une supplique, qui ne serait, à vrai dire, rien moins qu’une supplique, si elle ne se terminait par la demande de rentrer à Madrid. Il en est résulté que le nouveau cabinet s’est vu forcé de renouveler au général Narvaez l’ordre formel de remplir sa mission, en l’accompagnant de l’expression du mécontentement de la reine. L’affaire du général Narvaez a provoqué la retraite du ministre des finances, M. Aristizabal, lequel s’est retiré moins, assure-t-on, parce qu’il désapprouvait la mesure prise par ses collègues qu’en raison de l’intimité personnelle qui le lie au duc de Valence. M. Aristizabal est remplacé par le ministre de l’intérieur, M. Llorente, auquel succède à son tour un des anciens membres du parti modéré, M. Benavides. Au reste, dans tous les incidens de ces derniers temps, le cabinet nouveau de Madrid semble avoir gagné plutôt que perdu. Des hommes considérables qui avaient fait acte d’opposition au gouvernement se sont rapprochés de lui. M. Martinez de la Rosa vient en effet de rentrer au conseil d’état, et son exemple doit avoir du poids assurément. Le même esprit qui a présidé à la formation de ce cabinet se retrouve aujourd’hui dans