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ni le goût ni le temps d’approfondir. Je connais à Paris beaucoup de ces Américains-là.

En suivant avec M. Ogden une belle promenade qui s’étend le long des rives du lac, j’aperçois une jolie petite maison de bois : c’est celle de l’évêque catholique, qui est fort considéré. Je demande s’il y a beaucoup de protestans qui embrassent le catholicisme ; on me répond, comme on l’a déjà fait plusieurs fois, que ce sont des cas rares et exceptionnels. La population catholique augmente considérablement par l’émigration, qui est en grande partie catholique, se composant surtout d’Irlandais et d’Allemands venus principalement des parties de l’Allemagne où règne le catholicisme ; mais on ne cite guère d’autres conversions que celles de quelques personnes qui ont voyagé en Europe ou d’enfans qu’on a envoyés à des écoles catholiques. En revanche, on me dit que les petits Irlandais qui suivent les écoles de la ville deviennent souvent protestans. Le catholicisme n’est aux États-Unis l’objet d’aucun préjugé malveillant ; mais je ne crois pas que la majorité soit disposée à l’embrasser.

Il y a ici un grand nombre de baptistes. Comme les anabaptistes de sanglante mémoire, auxquels du reste ils sont loin de ressembler, ils n’admettent que le baptême par immersion ; leur croyance se fonde sur quelques versets des épîtres de saint Paul où il est dit que celui qui est baptisé est comme plongé dans le tombeau pour ressusciter ensuite à une vie nouvelle. Prenant ces passages à la lettre, les baptistes veulent que l’on soit plongé et comme enseveli sous les eaux. Pour cela, l’immersion complète est nécessaire ; aussi voit-on souvent l’hiver, à Chicago, les ministres baptistes casser la glace du lac et entrer dans l’eau jusqu’à la ceinture pour immerger les néophytes adultes qu’ils tiennent dans leurs bras. Outre ce dogme particulier, la tendance générale des baptistes comme des méthodistes, et encore plus peut-être, est de s’occuper des classes populaires, trop négligées par les épiscopaux, les presbytériens, les congrégationalistes, les unitairiens, dans les églises desquels il n’y a souvent pas de place pour les pauvres ou bien seulement une place humiliante. Les méthodistes et les baptistes ouvrent leurs chapelles à ces bannis ; aussi leur langage est-il empreint d’une violente amertume contre les églises qui sont la propriété exclusive des riches. Voici ce que je lis dans un sermon baptiste prononcé récemment : « Les diacres peuvent croiser les bras, assis sur leurs sièges rembourrés, et fixer les yeux sur la chaire qui est devant eux ; mais ils ne voient pas la multitude entassée sous le vestibule : ils n’en ont souci. Ils ont une bonne congrégation, une bonne église, un bon ministre : tout sent sa capitale, depuis le ministre empesé jusqu’au bas de l’échelle ; mais bientôt tout cela sera flétri et desséché, et vous entendrez le vent siffler à travers ce