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culture forcée du café. Chaque famille devait planter, récolter, entretenir cinq ou six cents arbres et en livrer pour un prix très-modique le produit total aux agens hollandais. Le gouvernement obtenait ainsi annuellement huit ou dix millions de kilogrammes de café, qui laissaient entre ses mains un bénéfice net d’environ 1,200,000 francs. Moyennant l’acquittement de cette redevance, l’habitant des Preangers n’avait à supporter aucune taxe territoriale. Il cultivait librement ses rizières, sans avoir rien à démêler avec le trésor, et, de toutes les impositions indirectes, il ne subissait que la taxe du sel. La condition du cultivateur des Preangers était loin cependant d’être un objet d’envie pour les autres habitans de Java. On ne songea donc point à soumettre ces derniers au système des cultures forcées, mais on leur proposa (l’adat autorisait cet échange) de s’affranchir d’une partie de l’impôt foncier par une valeur équivalente de travail. La journée d’un ouvrier était évaluée à 20 centimes environ ; l’impôt foncier, suivant la fertilité des terres, au cinquième ou au quart de la récolte. Dès que la contribution moyenne de la commune était connue, il était facile d’établir le nombre des journées de travail qui devaient exempter la dessa d’une fraction déterminée de l’impôt. Les chefs des fractions de commune appelées tjatjas acceptèrent sans répugnance cette combinaison; ils mirent à la disposition des agens hollandais une partie de leurs terrains et de leurs journaliers, ne gardant pour les besoins de la commune que le territoire et les travailleurs qui parurent strictement nécessaires. Le gouvernement se trouva ainsi en possession d’un certain nombre de bras qu’il pouvait utiliser à sa guise. Il voulut les employer à doter l’île de Java de cultures encore plus profitables que celle du café : il y transporta la culture de la canne à sucre et celle de l’indigo.

Le moment était venu d’invoquer le concours de l’industrie européenne : des contractans se présentèrent; mais l’administration ne leur confia point le soin de diriger les nouvelles cultures. Il fallait, dans ces essais, une prudence, un tact politique, un caractère d’autorité qu’on ne pouvait attendre que d’agens officiels. Les employés hollandais et les fonctionnaires indigènes, également intéressés au succès du système qu’on venait de mettre en vigueur par des primes proportionnelles, furent chargés de la surveillance générale des plantations. Sur les hauteurs, on cultiva le café, le thé et le mûrier; dans les fonds arrosés, le sucre, l’indigo, le riz. 2 ou 3 millions de Javanais, dirigés par des conducteurs de travaux chinois, se trouvèrent ainsi destinés à produire du café; 1 million donna ses soins à la canne à sucre; 700,000 cultivèrent l’indigo, 25,000 le thé, 15,000 le mûrier, tous le riz. Quant au contrat passé avec les entrepreneurs européens, il fut étrangement simplifié. Le gouvernement ne demanda