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faire la belle Céluta. L’iroquois est un langage fort doux et qui produit sur l’oreille à peu près la même impression que le grec moderne. En entrant chez M. Marcou, j’ai pu en juger en écoutant une Canadienne qui venait le consulter sur une affaire d’argent, car il est le conseiller de cette petite colonie, dont il est le père.

M. Marcou m’accueille avec sa bonté ordinaire, bien connue des voyageurs français. Il me donne sur les populations indigènes du Canada quelques détails assez curieux. Chaque tribu, me dit-il, a ses noms propres, tous significatifs : les noms de ceux qui meurent sont donnés aux enfans. Une tribu trouverait très-mauvais qu’un sauvage d’une autre tribu prît un de ces noms, son patrimoine et son héritage. Certains traits de mœurs contrastent singulièrement avec l’ensemble des sentimens et des coutumes de ces peuples. On sait que parmi eux la femme est la servante de son mari, porte les fardeaux et le gibier, etc. ; eh bien, la mère est, à quelques égards, plus que le père dans la famille iroquoise. Non-seulement les enfans appartiennent à la femme, mais ils suivent l’oncle maternel plutôt que le père lui-même. Les Iroquois sont passionnés pour la musique; ils chantent très-mal, mais ils aiment beaucoup à chanter (cela se voit quelquefois même chez des peuples très civilisés). On leur permet de chanter dans leur langue le Credo, le Pater, l’Agnus Dei pendant la messe, qui se dit en latin. Ils viennent à l’église chaque jour pour la prière du matin et la prière du soir, et le dimanche pour les offices, enveloppés dans leurs couvertures blanches. J’ai vu près de l’autel deux arbres ornés de rubans et assez semblables aux arbres de Noël auxquels on suspend, en Allemagne, les étrennes destinées aux enfans. Ces Indiens sont eux-mêmes de grands enfans. Ils avaient, comme tous ceux de leur race, la passion de l’eau-de-vie; la tempérance prêchée par le père Schniky, qui est le Matthews du Canada, les a beaucoup améliorés. M. Marcou est très content du gouvernement anglais. Une lui déplaît pas d’avoir un souverain protestant, les souverains catholiques étant parfois disposés, dit-il, à toucher à l’encensoir.

Ce qui m’intéressait surtout, c’étaient les travaux de M. Marcou sur la langue iroquoise. Dans l’histoire comparée des idiomes humains, l’étude des langues américaines doit tenir une grande place. On avait cru d’abord que l’Amérique du Nord était couverte d’une foule de populations parlant des langues entièrement différentes, ce qui était difficile à concilier avec la ressemblance assez grande de leurs traits et l’analogie plus grande encore.de leurs mœurs et de leurs croyances religieuses. Cette unité physique et morale et cette extrême variété de langage semblaient incompatibles. Cependant il faut reconnaître que le même fait se produit ailleurs. Quoi de plus semblable pour les yeux qu’un Chinois et un Tartare? Et pourtant il est certain