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extérieurs d’une origine mongole : le front large et aplati, l’angle externe des paupières relevé, les pommettes proéminentes, le teint jaune tirant plus ou moins sur le brun. Depuis que les chefs malais s’étaient partagé le littoral de Bornéo, la plupart des tribus indigènes avaient adopté une existence nomade. La chasse et la pêche leur tenaient lieu des travaux prévoyans de l’agriculture. Elles erraient, sans jamais se fixer nulle part, au milieu de ces terrains d’alluvion qui occupent, dans l’île de Bornéo, de si vastes espaces, et qui rattachent l’un à l’autre les plateaux élevés de l’intérieur; terrains à demi submergés pendant la mousson d’ouest, mais entrecoupés en toute saison d’innombrables cours d’eau, sur les bords desquels se pressent des forêts impénétrables. C’était dans ces déserts marécageux qu’on rencontrait la population dépossédée par la race malaise. Quant aux Malais eux-mêmes, ils s’écartaient peu du rivage de la mer. Ils occupaient en général l’embouchure des fleuves, vivant agglomérés dans de grands villages, dont les maisons, bâties sur pilotis, voyaient, à la marée montante, des pros et des pirogues circuler entre leurs longues rangées de pieux, comme les noires gondoles dans les canaux de Venise. Les Malais de Bornéo n’avaient rien perdu des instincts féroces de leur race ; ils passaient à juste titre pour les plus audacieux forbans de l’archipel, et leurs chefs n’avaient guère d’autres ressources que la part de butin et d’esclaves prélevée sur le produit d’expéditions qui tenaient en émoi toutes les côtes voisines.

Sous la protection équivoque de ces chefs musulmans, les Chinois du Fo-Kien étaient venus, vers le milieu du XVIIIe siècle, exploiter les richesses minérales que recèle en abondance le sol de Bornéo. Ces industrieux émigrans formaient sur divers points de l’île des communautés populaires dans lesquelles chaque membre, lié par un serment mystérieux, acquérait un droit égal aux profits de l’entreprise, et se tenait prêt à courir aux armes dès que les chefs en donnaient le signal. Quelques-unes de ces communautés pouvaient compter jusqu’à cinq ou six mille combattans et justifiaient par leur turbulence les inquiétudes qu’elles inspiraient aux souverains qui les avaient imprudemment accueillies.

Les frontières des principautés malaises de Bornéo n’avaient jamais été, on le comprendra sans peine, bien exactement définies. Sur le littoral, elles étaient quelquefois marquées par un cap avancé, colonnes d’Hercule que n’avait pu dépasser l’invasion; le plus souvent elles étaient fixées par la vaste et fangeuse embouchure d’un fleuve; mais, en s’avançant vers le centre de l’île, on eût vainement cherché la ligne de démarcation de ces états barbares. On n’eût pu recueillir à cet égard que de vagues et incohérentes traditions. Le sultan de Soulou, du fond de son nid de pirates, réclamait la possession de