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vaincu, le fort de Rotterdam et la ville de Vlardingen ; puis, mettant de nouveau à profit les rivalités des princes indigènes, elle brisa l’orgueil des Bouguis avec le concours des populations mêmes que l’assistance du roi de Boni lui avait permis de dompter.

A Célèbes, aussi bien qu’à Ternate, c’était le monopole des épices que la compagnie poursuivait. Ses agens parcoururent les forêts du littoral pour en extirper les girofliers et les muscadiers, et des croisières actives s’occupèrent de mettre un terme au commerce interlope des bateaux indigènes. Dès que ce but fut atteint, les Hollandais refusèrent de pousser plus loin leurs avantages. A l’exception des trois districts de Maros, de Macassar et de Bonthain, que les péripéties d’une longue guerre avaient mis en leur pouvoir, ils laissèrent le reste de l’île sous l’autorité des chefs idolâtres, qui, avec les princes musulmans de Goa et de Boni, s’en partageaient la souveraineté.

Dans l’île de Sumatra, la compagnie avait à faire valoir les droits que le sultan de Bantam lui avait transmis sur le district des Lampongs, qui forme un des côtés du détroit de la Sonde, et ceux que les empereurs de Mataram s’attribuaient sur le royaume de Palembang, fondé par un des princes de la dynastie de Modjopahit à l’embouchure du fleuve qui se jette dans le détroit de Banca. Ces droits, d’une légitimité suspecte, n’assuraient à la compagnie qu’une autorité contestée qu’elle exerçait depuis de longues années sans profit. Sur la côte occidentale de l’île que baigne la mer des Indes, son pouvoir était encore plus limité ; car il se faisait à peine sentir à quelques milles des postes fortifiés, sous le canon desquels les navires hollandais venaient chercher, au commencement de la mousson favorable, le poivre dont le monopole avait jadis enrichi le roi d’Achem. Padang était le plus important de ces comptoirs ; mais Padang, ville de cinq ou six mille âmes, avait à subir la rivalité de la factorerie anglaise de Bencoulen, qui s’opposait, par tous les moyens possibles, à l’extension de la puissance hollandaise sur la côte occidentale de Sumatra.

Les négocians hollandais, qu’un intérêt purement commercial avait attirés dans les mers de l’Indo-Chine, semblèrent dirigés à cette époque par une sorte d’instinct providentiel. Ils n’eurent pas plus tôt posé à Célèbes et à Sumatra les pierres d’attente sur lesquelles la métropole devait appuyer un jour sa domination, qu’ils se hâtèrent d’aborder un territoire plus important encore par son étendue, celui de Bornéo. Dans cette île comme sur les autres points de l’archipel, les Hollandais avaient été précédés par les portugais et par les Arabes. L’invasion musulmane y avait trouvé une population douce et inoffensive, les Dayaks, qu’elle avait refoulée dans l’intérieur. Ce peuple opprimé, auquel les Hindous et les Javanais avaient apporté les premiers élémens de la civilisation, conservait tous les signes.