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Javanais avait la libre disposition des produits destinés à sa subsistance; les épices, le poivre, les plantes coloniales étaient, comme aujourd’hui le coton en Égypte, le sucre en Cochinchine, l’objet d’un monopole[1].

Les premiers navires hollandais avaient été expédiés à Java par une société de marchands qui ne pouvait avoir d’autre but que le commerce. Toutefois les transactions commerciales avaient toujours dans l’Inde et dans la Malaisie un caractère essentiellement politique. La compagnie néerlandaise fut entraînée sur la pente qui devait, dans des circonstances analogues, conduire les marchands anglais à la conquête de l’Hindoustan. Ce fut le monopole exercé par le souverain javanais qui substitua forcément à des opérations pacifiques des démonstrations militaires, à des échanges librement consentis les livraisons forcées et les contingens obligatoires. Après avoir fondé des factoreries à Bantam et à Jacatra, ce fut dans l’île d’Amboine, arrachée à la domination du sultan de Ternate et des portugais, que les négocians des Provinces-Unies jetèrent les premiers fondemens de leur puissance politique. Bientôt cependant, mieux instruits de l’importance prépondérante de Java, ils cherchèrent un point de station plus rapproché de cette île que le port d’Amboine, situé à quatre cent cinquante lieues du détroit de la Sonde. Après de longues hésitations, ils firent choix de la factorerie de Jacatra, et, vers la fin de l’année 1618, ils entourèrent d’un fossé et d’un retranchement l’emplacement sur lequel s’élevaient leurs magasins.

Les Portugais, qu’il avait fallu vaincre avant de songer à commercer, ne s’étaient retirés des mers de l’Indo-Chine que pour faire place à des rivaux plus redoutables. Ce fut une flotte anglaise qui vint au secours des sultans de Bantam et de Jacatra conjurés contre l’établissement hollandais. L’enceinte inachevée de la factorerie renfermait heureusement une garnison héroïque. Ces braves soldats défièrent pendant six mois tous les efforts des princes indigènes et de leurs alliés européens; ils furent délivrés par les secours qui leur arrivèrent des Moluques, aussitôt que la mousson d’est eut rouvert à l’escadre d’Amboine l’accès de la mer de Java. Sur l’emplacement de la ville de Jacatra livrée aux flammes, les Hollandais élevèrent la future capitale des Indes, la ville actuelle de Batavia. Cette célèbre cité ne grandit point sans combats. L’empereur de Mataram vint deux fois l’assiéger en personne ; deux fois il laissa son armée sous les murs qu’il s’était flatté de détruire. Vingt-sept ans après la fondation de

  1. Ce privilège, les princes musulmans l’exerçaient alors et l’exercent encore, dans les îles qui ne sont pas soumises à la domination directe de la Hollande, par l’entremise d’un factotum connu sous le nom de sabhandar ; c’est en général un Chinois que l’on trouve, de nos jours, investi de ces fonctions.