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duc, par Fitzwilliam et ses amis, combien désormais leur réunion dans le pouvoir avec Fox et Sheridan serait contraire à toute prudence et à toute dignité. Cette réunion, lui-même il l’a désirée, il dit s’y être employé jusqu’à la dernière session, il ne se croyait pas alors irrévocablement séparé de son ancien parti; mais aujourd’hui tout est consommé. Même l’aversion qu’il ne cache pas pour M. Pitt, même l’espoir de le punir justement des moyens par lesquels il est arrivé en 1784, car ce grief subsiste, n’excuserait pas en 1793, une coalition contre lui. M. Pitt serait le pire des hommes et M. Fox le meilleur, que, devant la révolution française, il vaudrait mieux s’allier avec le premier.

Burke garda ce papier tout à fait secret pendant quelque temps, puis il l’envoya au duc de Portland dans une lettre où il le priait de ne le point montrer, même de ne le point lire, tant que quelque réflexion impérieuse (compulsory reflection) ne l’y ramènerait pas. C’est un dernier témoignage, c’est une protestation testamentaire qu’il doit à sa cause et à sa mémoire (septembre 1793). Nous, oserons dire qu’en parlant ainsi Burke n’est pas d’une bonne foi parfaite. Quelle pouvait donc être son intention, s’il était sincère en demandant à n’être pas lu par le duc de Portland? Il appelle lui-même cet écrit son apologie. Elle est assurément bien indirecte, car il n’y est question que des torts des autres, et ce n’est pas la manière naturelle de défendre sa mémoire que d’établir en cinquante-quatre points que Fox n’a fait que des fautes. Cependant, si nous reconnaissons que le ressentiment et la malveillance se sont mêlés à de vraies convictions pour dicter cet écrit, nous devons dire qu’il est devenu odieux par l’usage surtout que les ennemis de Fox en ont fait, et nous tenons pour accordé que Burke ne l’avait pas composé avec l’intention de le publier. Contesté dans ses convictions et même dans son talent, inquiet pour sa cause et même pour sa gloire, irrité contre d’anciens amis, sévère pour les nouveaux, il s’éloignait chaque jour davantage des affaires et de la chambre : il songeait à céder son siège au fils sur lequel se reportait toute son ambition. Lorsque le général Fitzpatrick produisit sa célèbre motion pour intéresser le gouvernement anglais à la détention du général Lafayette, Burke se ranima pour attaquer celui dont le sort inspira à Fox un discours d’une incomparable beauté (17 mars 1794). On dit qu’il jeta les lueurs suprêmes de son éloquence au dernier jour du procès de Hastings (16 juin). Il parut encore à la chambre des communes le 20, à la séance où, sur la motion de Pitt, elle vota des remerciemens aux membres qui avaient conduit l’accusation. Il répondit en quelques mots, les derniers qu’il ait fait entendre après vingt-huit ans de parlement. Il avait accepté le chiltern hundreds, une de ces humbles sinécures qui obligent à une