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droit à la compassion de ses voisins. Aucun pays de l’Europe ne peut connaître de tranquillité, tant qu’il existe sur le continent n collège de fanatiques armés pour la propagation des principes de l’assassinat, du vol, de la rébellion, de la fraude, de la faction, de l’oppression et de l’impiété, et il cite en exemples les différentes circonstances où des puissances étrangères sont intervenues pour réprimer des désordres moins graves et moins odieux. La conclusion qui sort de Là n’est que trop évidente, et nous verrons désormais Burke pousser ouvertement à la guerre. Le premier dans son pays, il conçut l’idée d’une guerre de principes, idée qui n’y fut jamais complètement adoptée; mais avant de recourir à la force, il indiqua les voies diplomatiques, et nous avons encore un projet de mémorandum par lequel il voulait que le roi d’Angleterre proposât au roi de France sa médiation entre ses sujets et lui, à l’effet de rétablir l’ordre sur la base d’une constitution libre, car, il faut rendre cette justice à Burke, il n’a jamais rêvé pour la France le rétablissement pur et simple du pouvoir absolu. La transformation volontaire de l’ancien régime en monarchie constitutionnelle était-elle possible? C’est ce qu’il n’a jamais examiné, et ce que cherchaient encore moins ceux des Français dont il embrassait la défense et briguait l’amitié. A peine si quelques hommes estimables, mais sans force et sans parti, Mounier, Lally, se seraient prêtés à cette tentative, et quant au roi, s’il pouvait ainsi ramener en arrière la révolution, il aurait pu bien plus aisément la prévenir.

Retournons dans la chambre des communes. La controverse du moment y devait prendre de plus grandes proportions et des formes plus dramatiques. Fox ne négligeait aucune occasion de manifester ses sympathies pour la France, et Burke avait laissé échapper celle de lui répondre. Une fois il le voulut faire, et l’opposition, malgré Fox, l’en empêcha. Cependant une rupture publique entre eux était prévue, et le matin du 21 avril 1791, jour où la discussion d’un bill sur la constitution du Canada pouvait amener un éclat. Fox, accompagné d’un ami, fit à Burke une visite qui fut la dernière. Celui-ci lui exposa sommairement ce qu’il comptait faire et dans quelles limites il entendait se renfermer. Fox s’ouvrit à lui avec confiance : on croit qu’il lui fit entendre que le roi avait témoigné à son égard de la bienveillance, et que le ministère, effrayé, avait donné pour mot d’ordre de l’accuser de principes républicains. Ses idées un peu radicales sur la constitution du Canada servaient de prétexte à l’accusation. Burke aurait été choisi pour. servir, en provoquant le débat, d’instrument à un complot. — Celui-ci ne nia point qu’on l’eût engagé à parler, mais ne put promettre de supprimer ni d’ajourner son discours. Cependant les deux amis (ils l’étaient encore) se rendirent