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les divers systèmes de philosophie morale. Ses ouvrages d’économie publique et de finances sont estimés, et il passe pour l’auteur du plan d’amortissement que Pitt adopta. Quoi qu’il en soit, c’est lui que Burke prend à partie dans le premier tiers de son ouvrage. Price avait essayé d’identifier les principes de l’une et de l’autre révolution, et en dégageant ceux de 1688 de leur enveloppe historique, en élaguant toutes les formes de droit positif, toutes les considérations de fait qui les recouvrent, on peut en effet les ramener à des idées abstraites et leur trouver avec les maximes de 89 une certaine ressemblance, surtout en ce qui touche les droits respectifs des peuples et des rois. Burke se soulève contre cette assimilation. Il montre par mille preuves, et avec un grand bonheur d’expression, que les auteurs de la révolution d’Angleterre n’ont point invoqué de principes métaphysiques, qu’ils ont toujours entendu revendiquer des droits traditionnels, ramener leur gouvernement à sa propre nature, ne le modifier que pour l’affermir; et lorsqu’ils se sont écartés des lois absolues de la monarchie héréditaire, ce n’est qu’à titre d’exception et parce qu’ils y étaient à la fois autorisés par de justes griefs et contraints par la nécessité. Tout cela est supérieurement établi, et si Burke avait uniquement besoin de démontrer quel est le caractère réel de la révolution d’Angleterre, quel fut en fait et quel est resté l’esprit du peuple anglais et de ses institutions, sa démonstration serait sans réplique. Peut-être n’a-t-il pas aussi bien réussi à prouver, peut-être même a-t-il oublié de prouver que le principe supérieur de la conduite des whigs du XVIIe siècle, celui qui les justifie devant la morale universelle,-— réduit par conséquent à un principe général, fallût-il l’appeler métaphysique, — soit sans analogie avec le principe de 1789. On pourrait faire voir même que quelques-uns d’entre les whigs de cette époque avaient l’esprit bien assez philosophique pour concevoir ainsi les choses; mais il est vrai qu’ils aimaient à ne pas séparer les idées spéculatives de la forme légale que leur donnait la tradition et des sentimens de droit et d’équité qui, sous cette forme, dominaient autour d’eux; il est vrai que par prudence autant que par conviction ils s’attachaient étroitement aux croyances politiques ou religieuses qui formaient la foi nationale. Tout cela est vrai; seulement, qu’en conclure pour la France? Avait-elle le passé de l’Angleterre? Burke omet une chose, c’est de lui découvrir des traditions dont elle pût se faire des droits : comme on invente des aïeux à qui veut vieillir sa noblesse, il fallait lui refaire son histoire pour que sa liberté fût historique; mais en France la liberté est une nouvelle venue qui devait être la fille de ses œuvres. Que Burke déplore une telle situation, qu’il soutienne qu’une révolution opérée dans les conditions anglaises diffère profondément d’une révolution