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la forme d’une lettre qu’il lui adressait, il écrivit son plus célèbre ouvrage. Les Réflexions de M. Burke sur la révolution de France et sur les procédés de certaines sociétés de Londres par rapport à cet événement furent imprimées au mois de novembre 1790. Elles produisirent une vive impression. Le succès fat immense : trente mille exemplaires se vendirent en un an. Tous les rois de l’Europe envoyèrent de Pilnitz à l’auteur des complimens et des tabatières. « C’est un livre qu’il est du devoir de tout gentleman de lire, » disait George III, et il en distribuait à ses amis des exemplaires élégamment reliés. L’université de Dublin décerna à Burke de nouveaux titres; celle d’Oxford lui fit remettre une adresse par l’intermédiaire de Windham. Un hommage plus curieux est celui de Gibbon, a Le livre de Burke, écrivait-il, est le plus admirable remède contre la maladie française. J’admire son éloquence, j’approuve sa politique, j’adore sa chevalerie, et je vais presque jusqu’à lui pardonner sa vénération pour les églises établies. »

L’ouvrage de Burke, quoique peu lu aujourd’hui, est cependant en France le plus connu de ses écrits. Nous en rappellerons seulement la forme et le contenu.

Deux sociétés anglaises, l’une la Société constitutionnelle, fondée pour la propagation d’écrits propres à répandre l’amour de la constitution, l’autre la Société de la révolution, ont voté des adresses de félicitation et de sympathie à l’assemblée nationale, qui s’en est montrée fort touchée. Burke prend la plume pour contester la valeur de ces manifestations et pour en discuter l’esprit. Elles ne représentent pas l’opinion de l’Angleterre, car l’opinion qu’elles représentent est contradictoire avec les principes de sa révolution et de sa constitution. Ces principes condamnent ceux de la révolution et de la constitution françaises. Exposer les uns, c’est réfuter les autres : double tâche que l’auteur entreprend. Au nom des principes anglais, il examine, critique, accable toute la conduite, toute l’œuvre encore inachevée de l’assemblée constituante. Avec 1688, il bat 1789.

Des deux sociétés anglaises qu’il traite fort légèrement, il appelait l’une un club dont il n’avait point entendu parler, un club de dissidens qui étaient dans l’usage de célébrer l’anniversaire de la révolution d’Angleterre en se réunissant dans une de leurs églises pour entendre un sermon. Cette année, le sermon avait été prêché par le révérend Richard Price, qui l’avait publié avec les réponses à lui adressées au nom de l’assemblée nationale par le duc de La Rochefoucauld et l’archevêque d’Aix. Le docteur Price n’était pas un homme inconnu. « C’est un ministre non-conformiste éminent, » dit Burke lui-même. Il était pasteur, et pasteur tendant à l’arianisme, d’une paroisse voisine de Londres. Il a écrit un livre remarquable sur