Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/456

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est vers cette opinion qu’en 1790 commença à verser M. Pitt. Il avait hésité jusque-là. Même dans sa politique intérieure, il était difficile de lui contester absolument le titre de whig. Gouvernemental par position, par caractère, mais mauvais courtisan, personnellement peu agréable au roi, ennemi des abus, raide et impérieux, il était, comme fils de Chatham, attaché par divers liens à l’ancienne opposition et même au parti réformiste. Il déférait beaucoup au parlement, il étudiait et suivait l’opinion. Les circonstances et les nécessités de la lutte l’avaient conduit une fois à se faire le champion de la prérogative royale et à combattre par toutes armes un rival aussi redoutable que Fox; mais il n’était pas tenté de prendre décidément et définitivement l’allure d’un ministre de pure résistance. Si la révolution française n’avait éclaté, on l’aurait bien pu voir changer d’alliances ou d’attitude suivant les exigences du temps, et renouveler les évolutions qui avaient rempli la première moitié de sa carrière. Même après 89 nous le verrons éviter tant qu’il pourra les résolutions irrévocables, et, plus absolu de caractère que d’idées, mécontenter, par ses demi-mesures et ses opinions moyennes, l’esprit emporté des partis qu’il guidait sans les satisfaire. Il est même certain que, dans les premiers temps, la révolution française avait produit sur lui une impression favorable. Il s’était exprimé dans ce sens, et c’est l’exemple et le succès de Burke qui contribuèrent à le rendre plus réservé et bientôt plus sévère. Nous verrons toutefois que Burke ne fut jamais content de lui.

Cependant on avait essayé de réparer le trouble que la scission de Burke avait jeté dans son parti. On lui ménagea avec Sheridan une entrevue de laquelle ils sortirent plus séparés que jamais. Depuis quelques années, l’acte du test, c’est-à-dire la loi qui imposait pour remplir certaines fonctions un témoignage d’adhésion à l’église établie, était mis en question. Fox en proposa l’abrogation. On sait que, dans les questions religieuses, Burke réprouvait l’intolérance politique; mais les temps étaient changés, et il trouvait maintenant que les questions religieuses étaient devenues des questions politiques. Dix ans plus tôt, dit-il, il aurait voté l’abrogation, depuis deux ans il s’abstient; mais aujourd’hui il voit chez les dissidens, ces hérétiques de l’anglicanisme, un esprit de violence et de témérité qui le décide à faire un pas de plus : il votera contre la motion. Ce changement, qu’il essaya de se faire pardonner en adressant autant de complimens à Fox que d’épigrammes au premier ministre, fut le signe irrécusable de l’empire qu’une pensée dominante allait désormais prendre sur son esprit.

Son manifeste devait bientôt paraître. Il était en correspondance avec M. de Menonville, membre de l’assemblée constituante. Sous