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gêne, des inégalités, de la tristesse, de la hauteur, et pour se consoler, des accès de travail, de passion et d’éloquence, voilà quels étaient les fruits d’une disposition qu’il est plus facile de concevoir que de décrire.

Cependant rien n’indiquait, à le voir dans le parlement, qu’aucun découragement eût pénétré dans son âme. Il se raidissait contre les mécomptes de toutes sortes, et l’activité si laborieuse qu’il déploya dans le procès de Hastings ne le rendit ni moins assidu ni moins ardent à la chambre des communes. N’essayons pas de compter ses discours ; le temps nous presse, et la révolution française approche. L’année qui la précéda. Fox était en Italie, et une grande question s’éleva. Le roi George III était tombé malade. Déjà, plusieurs années auparavant, quelques symptômes avaient fait craindre pour sa raison, qui, cette fois, parut s’éteindre. Il fallut songer à la régence. Pitt ne s’y décida qu’à la dernière extrémité. Il n’avait de confiance, ni pour l’état ni pour lui-même, dans l’héritier présomptif, dont toutes les inclinations étaient pour Fox. C’est de fort mauvaise grâce, c’est avec des restrictions humiliantes que la régence fut déférée au prince de Galles, qui, par une lettre qu’écrivit Burke et que retoucha Sheridan, déclara qu’il refuserait l’autorité à de telles conditions. Le roi parut se rétablir, et tout fut mis à néant; mais pendant les deux mois qu’avait duré la discussion d’une question neuve et délicate, Burke avait soutenu contre le premier ministre une lutte quotidienne et obstinée, dans laquelle on assure que Fox, absent quelque temps, lui reprochait d’avoir apporté trop d’aigreur, et, en ménageant trop peu la famille royale, compromis les intérêts du parti. Ce qui est certain, c’est qu’à cette époque il devint singulièrement importun à la chambre des communes.

Mais le moment arrive où le grand événement du siècle va porter un trouble bien autrement profond dans les relations de Fox et de Burke, et dans le sein même des partis qui divisent la Grande-Bretagne. La révolution française retentit jusqu’aux extrémités du monde; l’Angleterre n’en est pas ébranlée, mais émue, et c’est encore un sujet d’étude que l’impression produite sur le plus ancien pays libre par cette explosion de ce qui parut un moment la liberté moderne.

Le génie anglais est admirablement pratique. Dans la science même, il se garde des périls de la spéculation. Sa philosophie se définit elle-même une induction fondée sur les faits, et sa politique est baconienne comme sa philosophie. Quoique l’esprit de la France goûte peu les hypothèses aventureuses où se perd la mysticité scientifique des Allemands, c’en est plutôt la mysticité que la hardiesse qui le repousse. Une certaine promptitude à rendre l’abstraction claire par