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10e degré de latitude sud, du 95e au 133e degré de longitude orientale. Ce cadre immense embrasse près des trois quarts de Bornéo et des quatre cinquièmes de Sumatra; il comprend la majeure partie de l’île Célèbes, presque aussi vaste que la monarchie prussienne; — Java, qui occupe sur la carte du monde plus d’espace que la Bavière et le Hanovre réunis ; Timor, égale en étendue au royaume des Pays-Bas; Florès et Sumbawa, Banca et Sandalwood, moindres que la Sardaigne, plus grandes que la Corse ; Bali et Lombok, dont la superficie représenterait cinq fois celle de l’île de Rhodes; les Moluques enfin, au milieu desquelles la plus importante des îles Baléares, Majorque, tiendrait à peine la place de Waigiou, de Batchian ou de Misole, et ne formerait que le tiers de Bourou, que la cinquième partie de Gilolo et de Céram. La plupart des îles que nous venons de nommer relient par un long soulèvement volcanique les rivages de l’Hindoustan à ceux de l’Australie, ou rattachent les côtes de la Nouvelle-Guinée au groupe des Philippines. Les autres, telles que Célèbes et Bornéo, se trouvent enclavées au milieu de cette partie de la mer des Indes, transformée en lac hollandais. Tel est dans son ensemble l’empire colonial dont les traités du 14 août 1814 et du 17 mars 1824, conclus entre l’Angleterre et le gouvernement des Pays-Bas, ont, à deux reprises différentes, réglé les limites.

Il ne faudrait point cependant se laisser éblouir par l’immense développement de ces possessions. Les îles de Java et de Banca à l’entrée de la mer de Chine, celles de Banda et d’Amboine dans la mer des Moluques, sont encore aujourd’hui les seules portions de ce vaste empire sur lesquelles s’exerce dans toute sa plénitude l’autorité de la métropole, les seules dont les revenus aient jusqu’ici excédé les dépenses. La domination de la Hollande est loin d’offrir l’unité politique qui distingue dans ces parages les possessions de l’Espagne. Rien n’est au contraire plus complexe que les liens qui rattachent l’un à l’autre les divers groupes des Indes néerlandaises. Pour comprendre de quelle façon s’est propagée d’île en île cette suprématie si variable dans ses formes et dans ses conditions, pour apprécier la réalité des droits et l’étendue des privilèges qu’elle confère, il faut se rappeler quelle était, sous le gouvernement des princes malais, l’organisation de l’archipel indien : c’est l’histoire même de cet archipel, avant et depuis l’arrivée des Européens, qu’il faut interroger. On arrive ainsi à saisir le vrai caractère des relations établies entre la Hollande et ses populations coloniales; on embrasse, dans toute la diversité de ses combinaisons, la politique appelée à maintenir ou à étendre sur tous les points de ces lointaines contrées l’action vivifiante du génie hollandais. Cette étude du passé peut seule expliquer les tendances et les actes d’une administration qui n’a point toujours été bien comprise en Europe. Nous nous l’étions imposée avant de songer à pénétrer