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pratiqués à deux mètres de distance les uns des autres, reçoivent chacun cinq ou six grains de maïs que l’on recouvre ensuite de terre. Au bout de trois mois, vers la fin de décembre, on s’occupe de semer le riz. Les uns le sèment à pleines mains; d’autres, plus soigneux, en mettent dix ou douze grains dans des trous d’un pouce de profondeur. Deux mois après, en février, on arrache les jeunes pousses de riz et on les plante par petites touffes séparées, à une distance d’environ huit pouces l’une de l’autre et dans les intervalles laissés entre les tiges du maïs. Le riz peut avoir acquis alors une hauteur d’un pied à un pied et demi. On a soin pendant tout ce temps de sarcler et de nettoyer le champ pour que les jeunes épis ne soient pas étouffés. L’espace ménagé entre les touffes de riz permet aux femmes chargées de cette opération de l’exécuter sans froisser les tiges. Quatre ou cinq mois après qu’on a semé le maïs, en mars généralement, cette première récolte est parvenue à la maturité. Semé en décembre, le riz est rarement mûr avant le mois de juin. On le cueille alors à la main, épi par épi, et on le foule aux pieds sur une aire de bambou pour en détacher les grains. Malgré l’extrême fertilité du sol, on ne demande jamais au même champ deux récoltes de riz successives. Après la première récolte, le terrain se repose souvent pendant cinq années, ou, si on lui demande de nouveaux produits, ce ne sont que des haricots, des fèves ou des plantes moins exigeantes encore.

Pendant que le kappoula-balak nous initiait ainsi aux plus minutieux procédés de la culture indienne, le sommet du Klobath s’était couvert de nuages qui s’étendaient insensiblement sur la voûte du ciel. Les roulemens du tonnerre, répétés par toutes les gorges de la montagne, annoncèrent bientôt que la crise approchait. En quelques instans, l’orage fut au-dessus de nos têtes; le ciel sembla s’ouvrir, et un véritable déluge inonda la campagne. Aux éclats de la foudre, au pétillement de la pluie tombant sur le feuillage, on entendait se mêler je ne sais quel bruit sourd qu’on eût pu comparer au lointain mugissement de la mer. C’était la voix du torrent qui, grossi par cette inondation soudaine, grondait au fond du ravin, emportant dans son cours des branches d’arbres et des fragmens de rochers. En moins d’une heure, l’orage eut épuisé sa furie, et, bien que le ciel hésitât encore à reprendre sa sérénité, nous pûmes nous acheminer sans crainte vers la ville de Menado. Il est peu de jours parmi les plus beaux qui soient exempts de ces déluges temporaires. C’est ainsi que l’atmosphère se dégage et se purifie des vapeurs dont elle est incessamment saturée. Voilà donc les conditions que le riz de l’île Célèbes rencontre sur sa terre natale : d’épaisses couches d’humus toutes chargées de sucs nourriciers, de constantes intermittences de pluie et de soleil, une température qui varie, — dans la plaine de 26 à 31