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prendre dans l’incident diplomatique qui vient de se produire. En Allemagne, on s’accorde à dire que les communications faites par M. Drouyn de Lhuys étaient empreintes de toute la franchise et de toute la loyauté désirables. M. de Manteuffel était d’avis de répondre avec la même loyauté et la même franchise, et, sans les intrigues du parti féodal, la Prusse eût été, parmi les puissances, une des premières à reconnaître le nouveau gouvernement français. Quoi qu’il en soit, la sage politique de M. de Manteuffel a déjà repris le dessus, par la raison bien simple qu’en dehors d’une bonne entente avec la France, il n’y a que des incertitudes et des hasards. Le parti de la Kreuzzeitung ne se tiendra pas sans doute pour battu. Il faut s’attendre à le voir tenter quelques nouveaux essais de son influence, soit sur les affaires extérieures, soit sur celles du dedans, à la cour et dans les chambres ; mais il est à espérer que Frédéric-Guillaume saura distinguer parmi les hommes d’état de la Prusse quels sont les amis les plus intelligens de la couronne et du pays, et conservera sa confiance au ministre qui, après avoir sauvé la Prusse de l’anarchie, a su épargner à l’Allemagne une conflagration fédérale.

Dans les chambres prussiennes, les partis ont quelque peine à se dessiner. La nomination des membres du bureau de la seconde chambre s’est faite laborieusement et non sans difficulté. Pour la présidence, les votes se sont divisés en deux fractions absolument égales, 154 en faveur du candidat des constitutionnels modérés, le comte Schwerin, et 154 en faveur du candidat de la droite, M. de Kleist-Retzow. Il a fallu, pour trancher le différend, recourir à la voie du sort, et c’est grâce à cet expédient que le nom de M. de Schwerin a triomphé. Ces élections devaient fournir le témoignage d’un fait qui, sans être nouveau en Prusse, tend depuis quelque temps à se développer dans toute sa force : c’est le progrès du parti catholique dans le parlement. Ce parti a profité sur ce terrain de tout ce que le catholicisme a gagné dans les dernières révolutions de l’Europe. Son chef, M. de Waldbott, a été élu premier vice-président. Le second vice-président est M. d’Engelmann, l’un des membres les plus distingués de la droite. Le parti intermédiaire, qui a essayé de se former en 1851, sous le nom un peu douteux de parti de la vieille-Prusse, sorte de centre gauche aristocratique et libéral, n’a pu en cette occasion réunir que 84 voix sur son chef, M. Bethmann-Hollweg.-Ces soi-disant vieux Prussiens, que l’on pourrait appeler peut-être, à plus juste titre, des jeunes conservateurs, ne sont pas cependant sans importance parlementaire. Trop peu nombreux pour imposer leur politique aux chambres, ils le sont assez pour former dans la plupart des grandes questions un appoint décisif au profit soit de la droite soit de la gauche modérée, suivant qu’ils voudront faire pencher la balance de l’un ou de l’autre côté. En somme, les forces des deux opinions principales qui partagent la seconde chambre sont à peu près égales. On peut donc entrevoir en Prusse une session curieuse, dans laquelle la majorité sera vivement disputée.

Le gouvernement autrichien vient de publier le tableau du revenu des douanes de la monarchie depuis le 1er novembre 1851 jusqu’au 31 octobre 1852. Les données que renferme ce document attestent l’importance croissante du commerce de l’Autriche. Elles indiquent aussi les résultats qu’il est permis d’attendre du nouveau tarif des douanes mis en vigueur le 1er février