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nuit. Quoique cette année cette belle planète soit très abaissée vers le sud, le télescope montrera très bien les bandes obscures qui suivent son équateur, et que l’on assimile à l’aspect que doivent offrir les courans de nos vents alisés pour les observateurs de la terre situés dans les autres planètes. Notez que dans Jupiter, où règne un printemps perpétuel, les courans atmosphériques doivent avoir une régularité qui ne peut appartenir aux courans aériens de notre terre, lesquels sont perpétuellement troublés par les changemens des saisons. Je renvoie aux éphémérides astronomiques ceux qui voudraient être témoins d’une de ces éclipses des quatre lunes de Jupiter si curieuses par leur analogie avec nos éclipses de lune. Ces quatre lunes elles-mêmes, avec toutes leurs configurations de chaque côté de la planète principale, sont un objet du plus haut intérêt, même pour les personnes les plus indifférentes aux notions astronomiques. La Connaissance des Temps pour 1853, publiée par le Bureau des Longitudes de France, donne pour chaque jour la configuration des quatre lunes de Jupiter des deux côtés de leur planète principale, et c’est toujours une surprise pour les personnes peu habituées à la précision astronomique de trouver dans le champ de la lunette l’aspect indiqué longtemps d’avance par le calcul — reproduit fidèlement dans le ciel.

Saturne et son anneau seront bien visibles au milieu de novembre 1833. Un faible télescope peut à peine atteindre à la visibilité du plus brillant de ses huit satellites ou lunes. Saturne, en 1853, sera très haut dans notre ciel boréal et très-favorablement situé pour l’observation. Quant à Uranus, qui, dit-on, était connu des habitans d’Otahiti, qui l’observaient à l’œil nu avant qu’Herschel le découvrît en Angleterre, il y a si peu de cas où son voisinage d’une étoile bien visible permette de l’observer commodément, qu’il serait superflu d’insister sur les moyens de le trouver, surtout quand on pense que le résultat de cette pénible recherche ne serait que la vue d’un point faiblement brillant tout semblable à une petite étoile.

Aucune des comètes à période connue ne revient en 1853. La comète attendue en 1848 manque depuis lors au rendez-vous et fait conjecturer quelque perturbation extraordinaire ; mais cela n’a rien à fournir à l’astronomie populaire.

Depuis qu’en Amérique le télégraphe électrique a été employé à la détermination des longitudes, cet admirable appareil peut être considéré comme un véritable instrument d’astronomie. Notre belle administration télégraphique française vient d’atteindre Marseille ces jours derniers, et dans le courant de 1853, le réseau télégraphique de la France sera complété. Déjà, en septembre 1851, le télégraphe électrique sous-marin avait relié l’Angleterre à la France et l’Observatoire de Paris à celui de Greenwich. Plus tard, l’occasion s’offrira peut-être de constater ici plusieurs des curieux résultats obtenus dans l’ancien et le nouveau continent par l’électricité de la pile de Volta. Je me bornerai à dire aujourd’hui que l’idée de faire traverser l’Atlantique tout entier à un câble électrique allant d’Europe aux États-Unis me semble d’une difficulté insurmontable, et que la seule voie pour relier télégraphiquement les deux mondes, c’est de passer par le détroit de Behring, qui, avec les îles qui le partagent en deux, n’offre pas plus de difficulté que la Manche pour la pose d’un câble électrique sous-marin.