botanique de Cambridge, M. Grey, est connu par sa Flore des États-Unis. Il revient d’Europe. J’ai été heureux de trouver chez lui, reproduits par le daguerréotype, les traits d’un botaniste français qui m’est bien cher, de celui qui porte si honorablement la gloire héréditaire du nom des Jussieu.
Tout près de Cambridge, une belle maison de bois s’élève au milieu des arbres ; elle a été habitée par Washington, qui, au commencement de la guerre, y avait établi son quartier-général. Elle est doublement historique, car elle est aujourd’hui la demeure d’un poète éminent des États-Unis, M. Longfellow. Dans ce pays, où je ne me représentais que des existences tourmentées par l’activité politique et industrielle, je ne m’attendais pas à rencontrer le spectacle d’une existence empreinte d’un calme si noble et si doux. Dans une habitation élégante, près d’une femme aimable et belle, entouré de charmans enfans, M. Longfellow me semble l’idéal du poète heureux, et on dit que ce bonheur a été précédé par un beau roman plein de constance et de délicatesse. Le poète américain a voyagé dans toute l’Europe, il en connaît toutes les langues ; il possède une foule de curiosités littéraires, depuis des chants populaires danois jusqu’à des chansons havanaises. Il a reproduit des poésies de presque tous les pays : des ballades allemandes et des vers de Jasmin ; il s’est inspiré une fois de M. Augustin Thierry. M. Longfellow a visité les diverses contrées du vieux monde, et sa muse en a gardé de nombreux souvenirs. Il a vu ces mœurs primitives et patriarcales de la Suède qu’il peint si bien dans la préface placée en tête de sa traduction d’un gracieux poème suédois de Tegner, la Communion des enfans. Il a vu l’Italie et la France ; il a senti le charme des vieilles villes d’Allemagne. À Nuremberg, l’enfant de l’industrielle Amérique a sympathisé avec cette industrie lettrée du XVIe siècle, qui, dans les rangs les plus humbles, suscitait des hommes tels que Jacob Bœhme, le cordonnier philosophe, et Hans Sachs, le cordonnier poète, the cobbler bard. Il célèbre ces artisans inspirés. « Tandis que le tisserand maniait sa navette, il tissait les vers mystiques, et le forgeron frappait ses mètres de fer au retentissement de l’enclume. Ainsi, ô Nuremberg, un voyageur venu d’une contrée lointaine, comme il parcourait tes rues et tes places, chantait dans sa pensée son chant rêveur, recueillant entre tes pavés, comme une petite fleur de ton sol, la noblesse du labeur, la longue généalogie du travail. »
M. Longfellow a célébré sa patrie : quel Américain peut l’oublier ? Il a écrit un Chant de Vie (a Psalm of Life), qui exprime avec force le sentiment de l’action, comme il convenait au fils d’une société énergique et travailleuse. C’est une réponse à la parole de l’Ecclésiaste : « Tout est vanité ! »