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L’ASTRONOMIE EN 1852 ET 1853.

jourd’hui presque égale à celle de la France, comptera en 1900 plus de cent vingt millions d’âmes. Dans la vie des peuples, 1800 c’était hier ; 1900, ce sera demain !

II.

Ainsi que le remarque Laplace, l’astronomie actuelle est la seule science en possession de prédire les événemens futurs plusieurs siècles à l’avance. Il est bien entendu que ces prédictions n’ont pour objet que la prescience des faits astronomiques, c’est-à-dire de la position des astres dont les mouvemens enchaînés par les calculs théoriques sont infailliblement nécessaires, autant infaillibles, par exemple, que l’heure du lever et du coucher du soleil dans telle localité, à tel jour de l’année. Où sera le pôle dans trente siècles ? Où sera le soleil ? Où seront les planètes ? Quel sera l’aspect des étoiles doubles ? Quelle longueur auront les différentes saisons ? Tout cela peut être prédit, et sous ce point de vue, la curiosité s’en rapporte volontiers à l’infaillibilité des mathématiques. Cherchons donc ce qui est moins certain. D’après l’activité scientifique universelle, essayons de préciser ce que nous pouvons espérer pour 1853.

La grande lunette de l’Observatoire de Paris, convenablement portée sur le pied parallactique voté par la chambre française, marquera une ère dans la science des astres, où, suivant Fontenelle, l’art d’observer, qui n’est que le fondement de la science, est lui-même une très-grande science. Tous les problèmes sur lesquels les observateurs de Paris doivent interroger le ciel sont déjà prêts. Les observatoires de France, d’Allemagne, d’Italie, de Russie, de l’inde, du cap de Bonne-Espérance, d’Angleterre, du Canada, les nombreux observatoires des États-Unis, tous les observatoires privés de l’Angleterre et de l’Amérique, ne resteront pas oisifs. Le nombre des petites planètes s’accroîtra sans doute jusqu’à trente, en descendant jusqu’aux points presque imperceptibles du ciel étoile, observés avec des télescopes de plus en plus puissans. La théorie de la lune, dont les positions guident le navigateur et le voyageur dans les déserts des océans et des pays inconnus, sera perfectionnée, et, au lieu d’atteindre un demi-siècle de prévisions exactes, franchira un ou deux siècles d’intervalle. Les comètes dont le retour est attendu se montreront à l’appel des éphémérides mathématiques ; d’autres seront découvertes, et on pourra raisonner sur leur ensemble. Enfin la géographie astronomique, en Russie et en Amérique surtout, atteindra la précision qu’elle a depuis longtemps en France et depuis plusieurs années en Angleterre. De nouvelles lunes seront, comme dans ces dernières années, ajoutées à celles que l’on connaissait déjà autour de Saturne, d’Uranus et de Neptune, et peut-être même autour de Jupiter et de Vénus. Les éclipses n’offriront pas, en 1853, grand intérêt. Les observateurs qui, en juillet 1851, s’étaient trouvés réunis en Norvège et en Prusse pour l’éclipse totale de soleil, se sont donné rendez-vous en Algérie pour celle de 1861. Enfin nous aurons la géographie de la lune, que les grands instrumens permettent d’observer à peu près aussi bien que du sommet du Puy-de-Dôme on observe la Limagne d’Auvergne, ou bien les vallées du Roussillon du sommet du Canigou, ou enfin les vallées suisses du sommet des Alpes. Cette géographie de la lune, ou plutôt cette géologie,