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L’ASTRONOMIE EN 1852 ET 1853.

d’horloges, la détermination de la figure de la terre, — c’est toujours la pure curiosité, sans mélange d’intérêt matériel, qui fait que le public interroge un astronome, comme il interrogerait un voyageur qui arriverait d’un pays inconnu, mais avec lequel on ne pourrait aucunement présumer avoir un jour à lier des relations d’un ordre quelconque. Les taches du soleil, les montagnes de la lune, l’absence d’habitans sur cette vaste masse si près de nous, les phases de Mercure et de Vénus, les éclipses de soleil et de lune, les étoiles que cache la lune en passant entre elles et nous, les lunes nombreuses de Jupiter, de Saturne et d’Uranus, les nuages mobiles de Jupiter, les neiges que l’on voit s’amasser sur chaque pôle de la planète Mars, quand le soleil les abandonne, exactement comme sur la terre, les étoiles doubles qui tournent l’une à l’entour de l’autre et nous donnent dans le ciel de véritables cadrans séculaires qui enregistrent les longues dates chronologiques comme nos calendriers le font pour nos années ; enfin toutes les perturbations que développe l’action mutuelle de tous les corps planétaires qui circulent autour du soleil, corps dont la terre fait partie, — tout cela et mille autres résultats intéressans de l’observation et du calcul tirent, je le répète, leur plus grand prix aux yeux du public de la circonstance fortuite qui appelle son attention sur telle ou telle partie de la science.

D’ailleurs l’astronomie, séparée de son utile et mensongère sœur l’astrologie, qui s’adressait aux imaginations et au sentiment de l’amour du merveilleux inné dans l’homme, n’offre rien de dramatique, rien d’imprévu, rien qui soit le résultat de la volonté, du choix, de la spontanéité, encore moins de la passion. Les comètes elles-mêmes, quoique leur apparition ne puisse être prévue, marchent avec une telle régularité, qu’après trois observations l’astronome fixe leur marche subséquente. Le soleil parcourt éternellement l’écliptique ; la lune ne sort jamais du zodiaque pour aller éclipser l’étoile polaire. Plusieurs siècles à l’avance, on peut prédire la direction où l’astronome, qui sera aussi loin de nous dans l’avenir que Jules César, l’auteur de notre année solaire, l’est dans le passé, devra pointer son télescope pour trouver une des planètes dont les éphémérides de notre Bureau des Longitudes donnent annuellement la position aux marins, aux géographes, aux voyageurs, aux horlogers et aux astronomes eux-mêmes.

Cependant l’astronomie, réduite aux exigences sévères de la plus mathématique des sciences, n’est point abandonnée par les peuples que la civilisation met au premier rang pour la puissance comme pour le développement intellectuel. Les deux plus anciens observatoires du monde, celui de Paris et celui de Greenwich, près de Londres, ont été imités dans un grand nombre de nations. L’Allemagne, la Russie, l’Italie, et depuis peu les États-Unis d’Amérique, n’ont rien maintenant à envier à la France et à l’Angleterre. De plus, chez les deux peuples qui parlent la langue anglaise aux deux bords de 1 Atlantique, et dont la population surpasse aujourd’hui cinquante millions d’âmes, la distribution moins égale de la richesse parmi les particuliers, les grandes fortunes aristocratiques et commerciales, ont permis à plusieurs amateurs opulens d’élever de magnifiques instrumens spéciaux dans des observatoires privés. Il suffira de citer le télescope presque fabuleux de lord Rosse en Irlande. Ce télescope a six pieds anglais d’ouverture et une longueur totale