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populaire entre les deux chambres, et donnaient à la pairie judicieuse et modératrice plus de crédit que n’en avait l’impétuosité de zèle monarchique prédominante dans la chambre élective.

Ainsi, malgré les difficultés de toute restauration, malgré les entraînemens inévitables de tout parti vainqueur après une longue attente, même sous une administration fréquemment abusive et sans grandeur, la France, libre et prospère, était le spectacle de l’Europe. L’activité, la richesse, le mouvement général des intelligences et l’esprit de légalité s’y développaient à la fois, et la nation reprenait, par l’ascendant heureux de ses lois, plus d’autorité morale qu’elle n’en avait exercé par ses victoires.

L’arbre cependant était piqué au cœur, et il y avait un défaut grave, un péril prochain dans le grand succès qui suivit la guerre d’Espagne, et qui permit, quelques années après, l’expédition d’Alger; mais ce péril, cet écueil caché, si redoutable à la monarchie restau- rée, ne semblait pas menaçant pour la nation même, que l’on vit, à la suite des secousses profondes de 1830, reprendre et mûrir encore, avec l’active habileté du gouvernement représentatif, tous les avantages de la paix, et tous les genres de prospérité qui s’accroissent par l’ordre et la liberté. Ce danger prochain et non soupçonné de la monarchie en 1825, c’était le triomphe même de ses dernières entreprises, le progrès apparent de sa force, et la tentation pour elle de s’affranchir un jour, comme d’un obstacle, de la constitution qui lui était une contrariété et un appui. Pour tout pouvoir en effet, il y a deux sortes de dangers : la lutte intérieure, les résistances à vaincre, les ennemis à désarmer, puis la pleine et excessive victoire, sans obstacles survivans et sans libres remontrances. De ces deux périls, le premier n’est pas le plus grand.

La pensée que la restauration, puissante dans le cercle des lois, ayant comprimé ou découragé ses ennemis, relevé et indemnisé ses amis, aspirait encore au-delà, et voulait se délivrer un jour de la charte, cette pensée, vraie ou supposée, était le poison du règne de Charles X. Il s’y mêlait cette considération relative aux personnes, toujours si capitale dans les chances qui décident du sort des états, la vieillesse et l’esprit à la fois léger et opiniâtre du roi, le peu de supériorité du dauphin, le peu de popularité de son héroïque et sainte épouse.

Il y avait donc à la fois en France beaucoup de bonheur et point de sécurité, beaucoup d’ordre matériel et une grande agitation des esprits.

Le général Foy, le moins conspirateur des hommes, était cependant très accessible à cette anxiété publique, et souvent il l’excitait par la vivacité de son langage et ses colères de tribune; dans les