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attentifs aux délibérations de ses assemblées, au caractère d’équité, de modération, qui parfois, en dépit des hommes, par la force des institutions, par la vertu de la tribune publique, se communiquait à nos lois nouvelles.

De nos jours, ce n’est guère l’usage de flatter le passé, à moins que le présent n’y soit intéressé : nos souvenirs ne peuvent donc être suspects d’exagération ; mais quelle ne fut pas alors, quelle n’avait pas été, dès 1819, l’influence extérieure de la législature de France ! Quels n’avaient pas été surtout l’éclat et l’enseignement des mémorables discussions touchant la liberté de la presse et l’organisation légale de l’armée ! Quel ne fut pas, en 1823 et dans les deux années qui suivirent, le retentissement des débats sur l’expédition d’Espagne, sur les réfugiés espagnols, sur les lois électorales, sur la formation des listes du jury, enfin sur les flux et reflux divers d’une liberté plus développée ou plus restreinte, mais toujours du moins garantie par la publicité et la loi ! Quelle célébrité, quelle autorité n’avaient pas obtenue dans toute l’Europe les noms des Laine, des Royer-Collard, des Camille Jordan, des de Serre ! N’était-ce pas, en quelques années, comme un titre nouveau acquis à l’esprit français ? Quelle lumière semblait au dehors portée dans l’administration et dans les finances de la France par la parole intègre et précise d’un Benjamin Delessert, le fondateur charitable de l’institution des caisses d’épargne, ou par la polémique instructive et piquante de M. Casimir Périer et de M. Laffitte lui-même !

De toutes parts éclatait, pour ainsi dire, une noble rénovation de l’esprit français. Des hommes qui, entraînés et comme absorbés dans la dévorante activité de l’empire, y avaient silencieusement occupé de grands emplois, rendu de grands services, déployaient, à l’air libre de la France constitutionnelle, un autre ordre de talens, une supériorité meilleure, et les Pasquier, les Mole, les Daru, faisaient apprécier au loin, avec l’habileté politique et la science des affaires, l’ascendant, nouveau pour eux, de la discussion publique et de la parole applaudie. Le problème d’une double assemblée à fonder dans ce pays d’extrême égalité était résolu par l’éclat intellectuellement aristocratique dont brillait l’assemblée où siégeait, à côté de M. Molé, M. le duc de Broglie, armé d’une science de publiciste si élevée et si exacte, et d’une parole si forte avec simplicité, et où, près des traditions variées et de l’esprit supérieur avec grâce de M. de Talleyrand, se rencontrait le duc de Fitz-James avec sa vive éloquence, M. de Tracy, le courageux Lanjuinais, et la splendeur oratoire de M. de Chateaubriand.

Là souvent la discussion la plus approfondie et même les opinions les plus généreuses corrigeaient l’apparente inégalité de faveur