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regrettée par les ouvriers; de nombreuses démarches ont été faites pour obtenir son rétablissement. Des chefs d’atelier honnêtes et rangés nous ont déclaré à nous-même, à Saint-Etienne, que la dissolution leur avait ravi un précieux moyen de soulagement.

Quelle que soit la sympathie qu’inspire toute institution susceptible de prêter appui aux familles laborieuses, il est impossible de méconnaître que dans l’association stéphanoise une pensée excellente en elle-même avait été gâtée par un alliage funeste. Les fabricans, a-t-on souvent répété, l’avaient jugée avec une sévérité trop systématique, c’est possible; mais si le bien était par eux méconnu, le péril n’en débordait pas moins de tous côtés. Est-ce à dire que l’idée fondamentale de l’œuvre, l’idée d’assistance mutuelle ne saurait être dégagée des ruines de la caisse populaire? Non sans doute, pourvu qu’on se place sous l’égide d’un principe plus vrai et moins intolérant. L’harmonie des intérêts étant le but de toute société, une institution qui sème la haine porte en elle sa condamnation. Longtemps méconnue ou trop contrariée par les lois, l’idée de mettre en commun, parmi les groupes d’ouvriers, certaines chances de la vie, en vue de soutenir les individus que la maladie ou l’âge empêche de travailler, a obtenu récemment une satisfaction importante. Un décret du 26 mars 1852 est venu élargir la voie devant les sociétés de secours mutuels; cet acte peut recevoir à Saint-Etienne, comme ailleurs, les plus utiles applications. Il facilite le rapprochement des intérêts sans permettre aux passions aveugles de se réunir en faisceau. Il a surtout ce mérite de permettre de la part des patrons un concours direct qui est une des meilleures garanties pour le succès de pareilles institutions. Il ne s’est pas établi jusqu’à ce jour, dans la riche cité forésienne, un concert entre les fabricans pour créer, à l’aide de sacrifices volontaires et proportionnels, quelqu’une de ces œuvres qui, comme la Caisse des Ouvriers en soie de Lyon et la Société d’encouragement à l’épargne de Mulhouse, répondent si bien au caractère de notre époque et aux exigences de l’ordre industriel. Ce n’est pas que la bonne volonté ait ici fait défaut; mais on avait eu le tort de subordonner la réalisation des projets conçus à des éventualités trop douteuses. Ainsi, dans une délibération de 1851, la chambre de commerce de Saint-Etienne disait à ce sujet : « Ne devons-nous pas désirer voir arriver le moment où le commerce pourra venir en aide à la classe laborieuse, non par des vœux, mais par des dotations aux caisses de retraite ? » La chambre aurait voulu pouvoir, comme à Lyon, rattacher le concours des négocians à l’établissement connu sous le nom de Condition des soies. Or, les revenus de cet établissement sont versés à Saint-Etienne dans la caisse municipale, et non dans les mains de la