travailleurs de Saint-Étienne et celui de Rive-de-Gier : je veux parler d’une différence de race. Quand on examine de près les populations de ces deux cités, la ville haute et la ville basse, qui se jalousent ouvertement, il est impossible de croire qu’elles proviennent d’une souche identique. Sur la hauteur vit une race petite, trapue, musculeuse, qui paraît être la lignée autochthone des montagnes du Forez. Les femmes ont, du reste, les traits agréables et le visage frais comme la brise de ces régions élevées. À Rive-de-Gier, la stature est haute, les formes sont minces et élancées. Les femmes, avec leurs cheveux noirs et leur œil allongé, ont une beauté qui porte je ne sais quelle empreinte méridionale. Évidemment la souche d’où cette race descend n’appartient pas à notre sol. Peut-être, dans les temps lointains où les compatriotes d’Abdérame envahissaient le midi de la France, quelque colonie de Sarrasins a-t-elle cherché un asile au pied de ces montagnes et y a-t-elle pris racine.
Au milieu de ces différences de race et de profession, un signe est commun à tout le groupe des ouvriers de la Loire : c’est la vie en famille ; mais les conditions de cette vie offrent des variétés notables d’après le genre de travail. Parmi les rubaniers stéphanois, la vie intérieure respire une certaine aisance qui serait plus marquée sans leur habitude d’aller les jours de repos s’installer au cabaret, où ils consomment de gaieté de cœur un gain que la prévoyance commanderait de mettre en réserve. L’intérieur des quincailliers atteste un dénuement à peu près complet. Les charbonniers de Saint-Étienne, jouissant d’un revenu plus sûr, pourraient être chez eux un peu moins tristement installés ; mais leurs femmes se font remarquer par une extrême indifférence pour l’arrangement de leur ménage, dont la malpropreté est proverbiale dans le pays. Au premier abord, on pourrait croire que cette négligence tient au travail des mines et s’étend à tous les ouvriers qui s’y livrent ; mais non, il faut s’en prendre ici à une habitude locale, car à Rive-de-Gier la propreté règne dans le logis du mineur. Tandis qu’aux environs de Saint-Étienne le charbonnier, sale et tout noir de houille, a toujours l’air de sortir de son puits, dans le bassin inférieur il a soin de sa personne, et, une heure après son travail, on ne devinerait presque plus son métier.
Le nœud de la famille est assez généralement respecté, et garde quelquefois toute sa force primitive chez les charbonniers des campagnes. Il n’est pas rare de voir une famille nombreuse prendre à sa charge l’enfant orphelin d’un parent même éloigné, sans songer à se plaindre du fardeau qui en résulte pour elle. La situation des femmes n’est pas la même parmi les travailleurs de Saint-Étienne, de Saint-Chamond et de Rive-de-Gier. Dans les deux premières villes, les femmes ont généralement part au travail industriel, soit dans