Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/320

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Angleterre. Il faut avouer que les colonies anglaises qui invitaient les Canadiens à secouer le joug de la métropole, ne faisaient rien pour se les attacher. Le congrès, dans une adresse au peuple américain, reprochait à l’Angleterre l’acte de Québec, qu’il dénonçait comme une tentative criminelle pour établir la foi catholique, comme un exemple de tyrannie dans l’empire britannique, et d’autre part, dans une lettre aux Canadiens, le même congrès leur disait que cet acte ne pouvait être bien mis à exécution par les Anglais. Ces contradictions durent contribuer à retenir le Canada sous la domination anglaise. M. de Lafayette désira tenter dans ce pays une expédition, il se flattait que son nom y réveillerait des souvenirs français; mais il ne put réaliser ce dessein, auquel il tenait beaucoup.

En 1791, Pitt divisa la province en haut et bas Canada, et voulut y établir une constitution faite à l’image de la constitution britannique. Cette image était très infidèle, comme Fox le fait remarquer. Au lieu d’une chambre des lords représentant une aristocratie indépendante, laquelle n’existait pas au Canada, Pitt créait un conseil législatif sans indépendance; il plaçait à côté de lui une assemblée représentative nommée par un corps électoral très nombreux et peut-être peu préparée par ses habitudes et son éducation à exercer ce pouvoir. Cette constitution à la fois trop monarchique et trop démocratique, et l’incurie du gouvernement anglais, n’ont produit pendant longtemps dans les deux Canada que confusion et désordre. Le Haut-Canada était presque exclusivement anglais, le Bas-Canada presque exclusivement français. Il y avait entre les deux pays animosité de race, de langue, de religion; on n’échappait aux inconvéniens de la constitution de Pitt qu’en ne l’appliquant pas. Enfin, en 1837, lord John Russell imagina de la faire abolir par le parlement. Le conseil législatif cessa d’être électif, et comme l’assemblée représentative avait refusé de voter les fonds nécessaires pour les services publics, le gouvernement fut autorisé à prendre dans le trésor provincial, pour en disposer à son gré, des sommes qui avaient été votées, il est vrai, par la législature canadienne, mais dont l’appropriation avait été jusque-là réservée à cette législature aussi bien que le vote. Ce fut un coup d’état parlementaire contre les droits constitutionnels du Bas-Canada.

On sait ce qui a suivi. Les Canadiens ont pris les armes, ont livré aux Anglais trois combats dans l’un desquels ils ont eu l’avantage; puis leurs vaillantes milices ont été écrasées par les troupes régulières de la métropole. La victoire a été cruelle; on a frappé surtout les jeunes gens appartenant aux meilleures familles. Après les exécutions des insurgés, on a voulu décapiter le pays, noyer la population française dans la population anglaise, en prononçant la réunion du Haut et du Bas-Canada. C’était le rêve du parti anglais, et ce que ses