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et bâtie sur plusieurs collines, s’élève au milieu des mille navires qui lui forment comme une couronne de mâts. Les fanfares, les hourras, les coups de canon, retentissent. On distribue une brochure sur la condition présente de Boston. Le premier chemin de fer destiné à être parcouru par la vapeur qui ait été construit en Amérique l’a été en 1829 par Boston. Il avait treize milles, moins de cinq lieues ; maintenant mille lieues de chemin de fer rayonnent de Boston dans le Massachusets et les états voisins, et les États-Unis sont traversés en tous sens par plus de dix mille milles de chemins de fer, plus de trois mille lieues, plus que le diamètre terrestre[1].

La nouvelle ligne dont on célèbre aujourd’hui l’ouverture est d’autant plus importante, qu’elle offre un chemin direct aux émigrans qui arrivent d’Europe à Boston pour se rendre dans l’ouest, sans aller chercher l’Hudson, qui est la ligne directe de New-York ; les produits de l’ouest peuvent par la même voie venir s’embarquer à Boston. Ce qui donne surtout une grande impulsion à la création des chemins de fer américains, c’est la rivalité des différens états qui cherchent sans cesse à se supplanter les uns les autres, et tâchent, si j’ose employer cette expression, de se souffler le transport des passagers et surtout des marchandises. Les États-Unis sont comme un grand échiquier où chacun tâche d’arriver à dame le premier.

Des tables, jointes à la brochure qu’on nous a distribuée, montrent que, pour ce qui concerne le port de Boston depuis 1842 jusqu’à 1850, le produit des douanes a presque triplé, et que le tonnage a augmenté de plus d’un tiers[2] en dix ans ; le chiffre de la population de Boston a été porté de 158,000 âmes à 269,000 ; ces chiffres s’appellent ici des figures ; il faut avouer que, comme les figures de rhétorique, celles-ci ont bien leur éloquence.

Le déjeuner que nous donne la ville est médiocre, il faut en convenir, et les plats sont disputés avec énergie ; mais le vin de Champagne est à discrétion, c’est l’important pour la chaleur de l’enthousiasme et la gaieté de la réunion. Bientôt commencent les toasts et les speeches ; on demande monsieur un tel, et il paraît et il parle, et des transports d’approbation accueillent invariablement son discours. Ce sont surtout les Canadiens, et parmi eux les Canadiens français, qui jouissent d’une popularité sans bornes. On crie : Vive la belle France ! Trois hourras pour la belle France ! Un habitant de Montréal entonne la vieille romance de la Clairefontaine. Un habitant de Québec chante :

  1. Le chiffre exact, tiré d’un document officiel, était, pour 1852, 10,814 milles de chemins de fer terminés, et 10,898 de chemins de fer en construction. Le capital engagé est de 592,770,000 doll. (plus de 3 milliards et demi).
  2. Augmentation de 2,780,186 dollars pour les douanes, et de 193,502 à 313,192 dollars pour le tonnage.