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cultivateurs pauvres sont facilement entraînés à en multiplier le nombre en proportion du besoin qu’ils en ont, sans s’inquiéter de la nourriture qu’ils peuvent leur donner; ils sont ainsi amenés à produire des races petites et maigres qui remplissent après tout, comme l’âne, leur destination, mais qui ne sont d’aucune ressource au-delà ; quand au contraire on spécule sur la viande, on apprend bien vite à n’avoir de bêtes que celles qu’on peut bien nourrir, parce que la nourriture leur profite mieux.

Cet ensemble de causes fait que, contrairement aux apparences, ce sont les races de boucherie qui paient le mieux ce qu’elles consomment, et que le travail des bêtes à cornes, nécessaire ou non, au lieu d’être un bénéfice, est une perte.

C’est encore le célèbre fermier de Dishley-Grange, Robert Bakewell, qui a donné l’élan en Angleterre pour le perfectionnement de la race bovine, considérée exclusivement au point de vue de la boucherie. Ses procédés étaient les mêmes que pour les moutons. Seulement, il a moins bien réussi personnellement. Le mouton produit par Bakewell est resté le type le plus parfait du mouton de boucherie; la race de bœufs qu’il a créée n’a pas eu la même fortune. C’est une race défectueuse à beaucoup d’égards, celle à longues cornes du centre de l’Angleterre, qu’il avait choisie pour en faire le sujet de ses efforts. Malgré son habileté et sa persévérance, il n’a pas pu la modifier assez profondément pour lui enlever ses défauts primitifs, la race à longues cornes est aujourd’hui abandonnée à peu près généralement ; mais, si ce grand éleveur n’a pas tout à fait réussi dans son entreprise, il a du moins donné des exemples et des modèles qui ont été suivis de toutes parts et qui ont fini par transformer toutes les races anglaises. Il n’existe peut-être pas aujourd’hui dans toute la Grande-Bretagne une seule tête de bétail qui n’ait été profondément modifiée suivant la méthode de Bakewell, et si aucune ne porte son nom, comme parmi les bêtes à laine, toutes ont également subi son empreinte.

Parmi ces races améliorées de longue main, figure au premier rang celle à courtes cornes de Durham. Elle a pris naissance dans la grasse vallée de la Tees, et paraît avoir été fondée à son origine par le croisement de vaches hollandaises avec des taureaux indigènes. pette race était déjà remarquable par son aptitude à l’engraissement et ses qualités lactifères, quand les idées de Bakewell se répandirent en Angleterre. Les frères Collins, fermiers à Darlington, imaginèrent, vers 1775, d’appliquer ces procédés à la race de la vallée de la Tees, et ils obtinrent presque dès le début des résultats considérables. L’étable de Charles Collins avait acquis une telle réputation en trente