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Angleterre qu’en France; les deux produits seraient alors représentés par les chiffres suivans :


France, 1 milliard de litres à 10 cent 100 millions.
Iles britanniques, 2 milliards de litres à 20 cent. 400 millions.

Ces différences, quelle que soit leur gravité, n’étonneront pas quiconque aura comparé, même en France, le produit des vacheries sur les différens points du territoire. Entre une étable de Normandie, par exemple, où la production et la manipulation du fait sont habilement entendues, et une étable du Limousin ou du Languedoc, où la faculté lactifère n’a pas été développée chez les vaches, le contraste est plus grand qu’entre une étable française en général et une étable anglaise. Non-seùlement la quantité de fait est infiniment moindre, mais le prix qu’on en retire est moindre aussi; le producteur du centre ou du midi ne sait que faire de son lait, quand il en a; le producteur du nord en tire au contraire admirablement parti. Par tout pays, l’art de produire et d’utiliser le lait est une excellente industrie, et les contrées qui fabriquent du beurre et du fromage sont toujours plus riches que les autres.

Si le travail que nous imposons à notre gros bétail nous prive d’un grand revenu en lait, il nous prive aussi d’un revenu non moins précieux en viande de boucherie.

Il semble, au premier abord, que le travail de la race bovine ne doive avoir que peu d’influence sur son rendement en viande, on peut même se persuader aisément que ce travail, en utilisant la vie du bœuf, permet de faire de la viande à meilleur marché. L’expérience a démontré que si c’était quelquefois une vérité de détail, c’était un erreur d’ensemble. L’habitude du travail forme des races dures, vigoureuses, tardives, qui, comme les hommes livrés à un labeur pénible, mangent beaucoup, s’engraissent peu, développent leur charpente osseuse, font en définitive peu de chair et la font tard. L’habitude de l’inaction donne au contraire des races molles, tranquilles, qui s’engraissent de bonne heure, prennent des formes rondes et charnues, et donnent, à nourriture égale, un plus beau produit à l’abattoir. Les soins de l’éleveur viennent en aide à cette disposition naturelle, et l’accroissent en quelque sorte à l’infini. À cette cause générale de supériorité peuvent se joindre des causes secondaires qui dérivent toutes du même principe. Ainsi, quand on se préoccupe avant tout de la somme de travail que peut donner un animal, on ne l’abat que quand il a fini sa tâche; quand au contraire on ne lui demande que de la viande, on saisit pour l’abattre le moment où il peut en donner le plus. Ainsi encore, pour les animaux de trait, les