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PROMENADE EN AMÉRIQUE.

ment se soustraire sans cesser d’être fidèles. » Presque tous les orateurs de la révolution ont été gradués à Cambridge.

Le calvinisme, qui a présidé à la fondation de cet établissement, y est devenu avec le temps presque entièrement étranger. De là un grand soulèvement de l’esprit de secte contre l’esprit tolérant de Cambridge. On permet aux élèves juifs d’observer le sabbat, aux catholiques de célébrer toutes les fêtes reconnues par leur église. Le collége de New-Haven, dans le Connecticut, et le collége d’Amherst sont restés davantage sous l’empire du vieil esprit puritain. Cependant, à Cambridge même, il s’est conservé quelque chose de cet esprit : les élèves protestans doivent aller tous les jours une fois à l’église, et deux fois le dimanche ; celui d’entre eux qui s’en est dispensé, sans excuse valable, trois fois en quatre ans est renvoyé.

Dans l’université de Cambridge, on a très bien combiné avec l’indépendance des professeurs la surveillance de l’état et l’intervention du public ; l’un et l’autre sont représentés par le comité des surveillans (overseers). Ce comité se compose du gouverneur de l’état, du lieutenant-gouverneur, du président du sénat et du président de l’assemblée représentative, de quinze ecclésiastiques et de quinze laïques. Les personnages officiels sont là pour exercer le contrôle de l’état ; les autres, celui de l’opinion publique. En somme, le comité surveille, modère, mais ne dirige pas.

La corporation, composée du président de l’université, de cinq fellows et d’un trésorier, a une importance beaucoup plus grande : c’est entre ses mains qu’est déposée toute la propriété de l’établissement. Les vacances sont remplies par les votes des membres de la corporation et des surveillans, ce qui donne à ceux-ci une large part dans cette élection ; mais, une fois élus, les membres de la corporation nomment les professeurs et les maîtres, et font tous les règlemens universitaires, lesquels doivent être confirmés par les surveillans.

L’application de ces lois et de ces règlemens appartient à la faculté, composée de tous les officiers qui sont employés à l’instruction et à la discipline du collége. C’est la faculté qui confère les grades, inflige les punitions, et gère tout le département de l’instruction et de la discipline. Le président des facultés veille à ce que les lois et règlemens soient observés, et dénonce au gouvernement de l’état les abus qui peuvent naître de la violation ou de la lacune de ces règlemens.

Telle est l’histoire et l’organisation de la république littéraire que je vais visiter.

L’omnibus m’a transporté en une demi-heure à Cambridge : il m’arrête aux colléges. Je vois de jolies petites maisons de bois semées au milieu des arbres : ce sont les maisons des professeurs. De grands